BLANCBLEU : Race issue de croisements avec des taureaux shorthorn. BLEUE DU NORD : PIGEONS : RAMIER : Caractéristiques: le plus gros des pigeons se reconnaît à la couleur de son plumage rouge et vert. BAGADAIS : Race de pigeon est plutôt curieuse. CARNEAU : Race rustique et prolifique, il s’adapte bien à l’élevage en liberté. CAUCHOIS : Race rustique,
La chasse à la palombe La chasse à la palombe ou pigeon ramier dans les autres régions est un art qui se pratique en Bazadais tous les ans entre le 15 septembre et le 15 novembre, période de passage migratoire de cet oiseau bleu, avec un pic autour de la St Michel. Cette chasse se pratique en palombière cabane et installations associées. Le principe de cette chasse traditionnelle est immuable il s’agit d’attirer les vols de passage pour les faire se poser sur les arbres autour de la palombière et ensuite les faire descendre au sol pour les capturer vivants. Ce rituel nécessite toute une infrastructure qui s’organise autour de la cabane » garage, quartier général, espion, cabane à appeaux, couloirs, sols, filets ou pantes. Le garage Il permet d’abriter les véhicules des chasseurs et des visiteurs. Les consignes sont strictes le visiteur doit demander aux chasseurs l’autorisation d’avancer en utilisant le sifflet mis à sa disposition sur un arbre à l’entrée de la palombière. Entrée qui peut se situer à côté de la palombière comme à plusieurs centaines de mètres. Si le chasseur répond, c'est qu'il n'y a pas de palombes posées et que le visiteur peut avancer et se joindre à la chasse. Les tunnels, ou couloirs réalisés en fougères, branchages …. permettent de se déplacer dans toute la chasse pour essayer d’approcher les palombes posées en silence et sans bruit. Ils relient le poste central, les postes de guet, les sols, les arbres de pause Les sols Dans la chasse traditionnelle, ce type d’espace au sol permet d’essayer de faire descendre des palombes au sol pour les attraper vivantes. Ce sont des emplacements dégagés de la végétation où se poseront les palombes si les chasseurs arrivent à les y faire descendre et où les filets ou pantes se rabattront. Ces surfaces sont planes et mesurent de 8 à 10 m de longueur pour 5 à 6 m de large. Elles sont souvent en terre battue ou parsemées de gazon assez ras. On peut y disséminer quelques branches de bruyère ou de pin pour masquer une trop grande nudité. Les filets sont tendus de part et d'autre. Les chasseurs disposeront quelques grains de blé ou de maïs qui serviront d'appâts. On y trouvera aussi un petit point d'eau. On joue avec une palombe de cabanes, un système de cage au sol qui imite une palombe qui se pose, ou un chasseur peut aussi roucouler pour essayer de mettre les palombes en confiance. Cela invite les palombes posées sur les arbres à se déplacer et à descendre au sol. La cabane permet au chasseur de vivre dans de bonnes conditions pendent la période de chasse et de ne pas ce faire voir. La palombe de cabane est une palombe qui reste à l'intérieur avec le chasseur et qui ne sera utilisée que dans le but d'imiter le bruit des oiseaux qui se posent au sol. Depuis la cabane, des systèmes de poulies relient les pins à la cabane, le chasseur les actionne et fait battre des ailes son appeau pour imiter une palombe qui se pose et pour attirer et faire poser les vols qui passent sur la chasse. L’espion est le principal allié du guetteur, c’est souvent un pigeon domestique ou une palombe qui joue ce rôle. Il est placé à la vue du chasseur et lui signale la présence de palombes ou de rapaces. La chasse à la palombe c’est surtout un bon moment de convivialité, c’est l’occasion de retrouver ses amis, de passer du temps avec eux autour d’un bon repas. Les cabanes sont bien équipées fours réfrigérateurs parfois même, …. Cette chasse a sa fête à Bazas, elle se déroule tous les ans fin septembre autour de la Saint Michel. Elle met en valeur et explique au grand public cette chasse traditionnelle de notre région une palombière est reconstituée grandeur nature sur la place de la cathédrale avec ses arbres, sa cabane, la végétation, le sol…La journée se termine par l’intronisation dans la confrérie des Paloumayres.
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Ilpèse entre 600 et 700 grammes et présente un bec droit et un iris orangé. Sa poitrine est large et arrondie, bien profonde. Le dos large est légèrement incliné vers l'arrière. Sa queue est
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RECORD Bory de Saint-Vincent, Jean Baptiste Georges Marie, ed. 1822-31. Dictionnaire classique d'histoire naturelle. 17 vols. Paris: Rey & Gravier. Volume 10. REVISION HISTORY: OCRed by AEL Data 04.2014. RN1. NOTE: This work formed part of the Beagle library.The Beagle Library project has been generously supported by a Singapore Ministry of Education
Description de la famille La famille des Columbidés est une vaste famille d'oiseaux terrestres présente sur tous les continents excepté le continent antarctique. Elle est forte de 49 genres et près de 350 espèces de taille petite à moyenne. La famille présente des affinités avec celle des Ptéroclidés les gangas.... lire la suite Description identification adulte plum. nuptial adulte plum. nuptial Le pigeon biset peut être considéré comme l'ancêtre du pigeon domestique particulièrement bien connu et abondant dans les villes et dans les villages, même si ce dernier, en raison de croisements continus, a perdu beaucoup des caractéristiques morphologiques qui définissent son prédécesseur. Il possède une sihouette assez remarquable corps trapu, ailes étoites et pointues, tête ronde et petite, bec mince et court. En général, son plumage est gris bleuté, plus pâle sur le dos et avec des tons verts et violacés sur les côtés du cou. Le croupion est blanc, les ailes portent deux barres de couleur noire qui se remarquent bien, surtout en vol. Vu du dessous, on aperçoit parfaitement les axillaires blanches. C'est le seul pigeon à posséder cette caractéristique. La tête, la poitrine et le ventre ont un ton gris bleuté plus sombre que les plumes du dos. Le bec est gris avec la base blanche. Les jambes et les pieds sont rouges, et l'iris orange rougeâtre avec un anneau oculaire intérieur jaune. Indications subspécifiques 9 sous-espèces Columba livia livia w and c Europe, n Africa to c Asia Columba livia gymnocycla Mauritania and Senegal to s Mali and Ghana Columba livia targia n Mali and s Algeria to c Sudan Columba livia dakhlae w Egypt Columba livia schimperi e Egypt, s Sudan, Eritrea Columba livia palaestinae Sinai Pen.. Egypt. to Syria, w and s Arabian Pen. Columba livia gaddi e Turkey to Uzbekistan and w and n Afghanistan Columba livia neglecta w Pakistan and e Afghanistan to the Himalayas Columba livia intermedia s India, Sri Lanka Noms étrangers Rock Dove, Paloma bravía, pombo-das-rochas, Felsentaube, szirti galamb, Rotsduif, Piccione selvatico, klippduva, Klippedue, holub divý, holub skalní, Klippedue, kalliokyyhky kesykyyhky, Tuinduif Stadsduif, colom roquer, Bjargdúfa, gołąb skalny, mājas balodis, skalni golob, Сизый голубь, Merpati batu, カワラバト, 原鸽, นกพิราบป่า, 原鴿, Voix chant et cris adulte plum. nuptial play pause Roucoulement plaintif assez monotone très proche du pigeon domestique. Druouu-uu répété plusieurs fois. Habitat En dehors de la période de reproduction, les pigeons bisets forment des rassemblements qui, là où ils existent, sont relativement nombreux. Dans les endroits rocailleux qui constituent leur habitat préféré, les couples trouvent refuge dans les fissures et sur les corniches. Dans les villes et dans les villages, ils s'abritent et se reproduisent dans les cavités, les trous, les toits et les terrasses des bâtiments, non seulement ceux qui sont habités mais également ceux qui sont en ruines ou abandonnés. L'hybridation qu'on observe chez ces oiseaux est très importante, et il est rare de trouver des spécimens purs en dehors des zones rocheuses ou dans les endroits où les fleuves provoquent une importante coupure. On peut observer les pigeons bisets le longs des falaises côtières ou sur des affleurements montagneux qui peuvent atteindre 2000 mètres d'altitude. Les populations vivent dans pratiquement toute l'Europe, en péninsule ibérique , sur les côtes de la Méditerranée ainsi que dans les îles où elles forment des colonies nombreuses sur les falaises et dans les endroits rocheux. Local dans les Alpes, le pigeon biset est abondant dans les îles britanniques, les populations pures prédominant en Ecosse et en Irlande. En France, c'est un habitué des côtes picardes, normandes et bretonnes. Il est également présent dans le Massif Central, les gorges du Tarn et les Alpes du sud. Comportement traits de caractère adulte Le roucoulement de ce pigeon ne diffère pas beaucoup de celui des pigeons domestiques qui vivent dans les villes et que nous connaissons tous. adulte Il consiste en un son sourd et ronronnant que les mâles émettent face aux femelles. Ils l'accompagnent souvent de hochements de tête caractéristiques, en se baissant et en étirant continuellement le cou pendant qu'ils marchent à petits pas, la queue déployée en éventail et orientée vers le sol en même temps qu'ils dilatent démesurément leur gorge. On observe aussi fréquemment un vol nuptial dans lequel les mâles battent lentement les ailes, les maintenant très élevées et les projetant pendant un court instant dans un angle aigu. Le pigeon Biset est rapide et agile, effectuant de fréquents virements et écarts dans les airs. Souvent, il vole à très faible altitude au-dessus des champs ou de la surface de l'eau, mais aussi à une grande hauteur, surtout lors des rassemblements en grandes bandes à partir de l'été. Il se pose presque toujours sur le sol ou sur une saillie de roches mais rarement sur des branches d'arbres à moins qu'elles ne soient sèches ou qu'elles soient dépourvues de feuilles. Dans ce cas, on peut y voir se poser un nombre considérable de pigeons. Alimentationmode et régime Le pigeon biset se nourrit à terre surtout de graines sauvages ou cultivées, parfois de mollusques et d'escargots. En ville de graines et de miettes. Reproduction nidification adulte Le pigeon biset niche dans les crevasses, les anfractuosités ou les grottes. Dans les falaises côtières, il peut se reproduire entre des nid est une simple dépression recouverte négligemmant de bois, des racines sèches, d'herbe, et d'algues marines ramassées sur les côtes. Parfois c'est une simple plate-forme d'herbe sèche. Normalement, les pigeons bisets forment de grandes colonies, mais on peut également trouver des couples isolés, notamment lorsque ceux-ci entament la colonisation d'une falaise. Le nombre de nicheurs n'augmente alors progressivement, année après année, que si le lieu semble être adopté. adulte plum. nuptial Quelques pontes peuvent déjà être déposées aux premiers jours de février, mais plus couramment en mars. La reproduction s'étend jusqu'au mois d'octobre si bien que de nombreux couples mènent à terme trois couvées dans la saison. La taille de la ponte est généralement de 2 oeufs de couleur blanche, parfois 1 et très rarement 3. Il n'est d'ailleurs pas certains que quelques pontes de 3 oeufs soient de la même femelle. L'incubation, qui dure entre 17 et 19 jours, est principalement à la charge de la femelle, bien que le mâle collabore par courtes périodes. Les pigeonneaux naissent avec un duvet jaunâtre nuancé de rougeâtre. Ils sont nourris par les deux adultes, dans un premier temps par ce qu'il est convenu d'appeler "lait de pigeon" qui est une substance secrétée par leur jabot, puis plus tard avec des graines et des semences ramollies préalablement dans leur bouche. Au bout d'un mois, ils sont déjà capables d'abandonner le nid, mais ne volent pas bien jusqu'à ce qu'ils aient atteint au moins une semaine de plus. Distribution Menaces - protection adulte Statut de conservation IUCN Eteint Menacé Préoccupationmineure Éteintà l'état sauvage Quasimenacé Nonévalué EX EW CR EN VU NT LC NE La souche naturelle du Pigeon biset à disparu en France continentale. Les principales causes de disparition sont la chasse et le métissage avec les pigeons domestiques. Fiche créée le 21/10/2004 par Daniel Le-Dantec publiée le 21-10-2004 - modifiée le 24-08-2006 © 1996-2022
faitattention de laisse reproduire que tes bleu de gascogne qui non pas de barre sur les ailes sinon sa devien des biset. papi62630, Posté le mercredi 04 juin 2008 19:10. pas
See other formats 1^ Je donne au prieuré de Sainte-Foi cinq sous morlans sur la course de chevaux qui a lieu à Mor- làas à la fête de Toussaint. Le prieuré était obligé de loger et de nourrir pendant trois jours le vainqueur delà course {qui vicerit cursuuï avec deux hommes de sa suite. Gaston fut un des héros des croisades. Tude- bcuf racontj qu'un jour, marchant contre les Sarra- zins avec Godefroy, Tancrède et d'autres chevaliers, les chevaux de bagage les suivaient sans garde, ce qui fut regardé comme de bon augure. L'affection des guerriers pour le cheval allait jusqu'à la superstition. L1- CHi^VAi.. 19 Ce qui passionnait surtout les esprits aux temps che- valeresques, c'était le tournois, image de la guerre, école de prouesse, divertissement de braves. Les seigneurs de Béarn, en bâtissant le château de Pau, avaient réservé ce que nous appelons la basse ville pour le caui hatailhc le champ de bataille. Ressusci- tons par la pensée un des nombreux tournois que Ton y donna. L'espace destiné aux combattants est entouré de hours, espèces d'échafiiudages en planches ornés de guirlandes de buis, de fleurs et de tentures, afin de recevoir les populations accourues de toutes parts. En ce temps-là, le choix du costume n'était pas fa- cultatif. Chaque classe de la société avait le sien, et y tenait. La variété des habillements était très pittores- que. L'écuyer ne pouvait porter d'aussi riches four- rures que le chevalier, qui avait seul le droit d'orner son manteau de soie, d'hermine et de petit-gris. La femme du peuple ne portait que des robes de laine sans ornements d'or ni d'argent. Le costume des gens de la campagne ne variait pas seulement de province à pro- vince, mais encore de village à villaJ BEARN. Foix et de Béa m. Il portait au cou un écu aux armes de Monseigneur; il avait à la main une belle épée. L'cpée fut offerte à l'évèque ; le comte prit l'écu, le montra à l'assemblée, puis en fit don avec le cheval à l'écuyer qui ôta sa cotte de maille et la livra. Le cheval de la bannière fut offert par un noble per- sonnage de la famille du comte; celui-ci portait les di- verses pièces de l'armure du défunt, jambard, cuissards, gantelets^ bassinet, et cotte de maille armoriée. Le cheval du peunon et celui de la devise furent re- mis à leur tour, l'un par un écuyer armé de toutes pièces, l'autre par un seigneur également armé et coiffé d'un cabasset de fer entouré de guirlandes et de fleurs. Alors les communautés et les seigneurs présentèrent à l'oftrande des draps d'or au nombre de 221 et des cierges au nombre de 2,251. Tous ces dons furent aussitôt placés dans le lieu destiné à cet usage. La messe dite, l'évèque d'Oloron prononça quelques paroles touchantes, et récita les dernières prières. Madame se leva ensuite de son banc et fut conduite au caveau où reposait celui qu'elle avait tant aimé et qui l'avait toujours adorée. L'accompagnaient les ba- ronnes, d'autres grandes dames et des femmes qui avaient obtenu la permission d'exprimer, selon Tusage populaire, leur vive douleur par des pleurs, des cris et des déplorations bruyantes. Dans l'ordonnance des funérailles du comte Jean, il est dit que toutes les dames suivraient l'affligée au lieu de la sépulture, pleureraient et crieraient doucement tout bas, kl scf^uiran tôt es la doues ploran et doceinent r rida h DI-S l'NTI-KKhMKNTS. 93 ti vas. l^uLir les obsèques d'Archaniband, l'autorisation avait été donnée de pleurer et de crier fort. Quand toutes les cérémonies turent terminées, les 1,200 prêtres et clercs, les abbés et les évéques se ran- gèrent à la hasalhiqiic et reçurent chaque prêtre un florin, chaque clerc 3 florins, chaque évéque, abbé ou grand clerc, un écu. En rentrant au château, on se mit à table, et les convives, dont le nombre était très considérable, trou- vèrent assez de vivres de toutes sortes et de vin pour boire et manger complètement à souhait conipIcUvnen à plascr. Tout le peuple fut invité au repas, et à tous on donna la pitance, piliviça. Le lendemain, une messe lut célébrée pour les morts de la famille comtale, et, le sm-lendemain, une autre messe pour les vivants i\c la même famille. Le premier jour, il y eut trois grands repas ; le second jour, il y en eut deux ; le troisième jour, on donna à plus de cent pauvres du pain, de la viande et du vin. Pour tenir noblement, pendant trois jours, envers une foule si grande d'invités, de toute classe et de tous pays, table ouverte où l'on mangeait sans compter f^vw coude, il avait fallu faire bien des préparatifs. L'ordonnance avait tout prévu, tout réglé. On enplova 120 conques de blé pour fiiire le pain et il fallut quatre jours pour le iaire cuire. Les provisions principales consistaient en 30 bœuls, 100 moutons, 50 chevraux et 200 poules. On fait observer que, s'il n'y a que ça de poules, c'est qu'il est d'usage en pareil jour de ne pas dépenser trop de volailles, // lui j'orn no 94 LA SOC[ÉTE ET LES MŒURS EN BEARN. / despence trop poralhe. On but 25 pipes de vins 6 hec- tolitres à la pipe dont sept étaient de vin blanc. Dans les repas funèbres, même chez les princes, on ne se servait pas de vaisselle d'argent, mais d'assiettes de bois. Les évoques et les hauts seigneurs avaient seuls droit à des assiettes d'étain. Comme pour faire cuire tant de viandes, toutes les chaudières de la ville n'auraient pas suffi, l'ordonnance désigne les villages voisins où il faudra en emprunter. Il n'y avait pas de salle assez grande pour contenir cette énorme fouie de convives. On avait eu soin de se procurer d'avance assez de tables, de bancs ^ d'esca- beaux et de serviettes. Le couvert fut dressé dans toutes les chambres, et jusque sous les porches. Enfin l'ordonnance avait prescrit des mesures pour la bonne exécution du service ; elle recommandait de se procurer un nombre suffisant de domestiques et de choisir dans le pays des personnes connues, afin que les étrangers fussent bien soignés que lotis eslrangers si an pi à a pensat. II L'histoire des funérailles des seigneurs de Béarn deve- nus rois de Navarre et lorsque de cette royauté le titre seul leur fut resté, cette histoire serait trop longue. Les Etats votèrent souvent, dans ces occasions, des fonds extraordinaires. Par exemple 4,000 écus pour les obsè- IiS ENTKRKliMENTS. 95 qucs de Jean d'Albert '. Les litats participèrent égale- ment aux frais des funérailles de Marguerite de Valois-'. Il y eut des difficultés de préséance aux honneurs fu- nèbres de la reine de Navarre, entre les pays de Béarn et de Foix \ De la cour de France et de divers pays était venue une foule considérable de person- nages; le roi de France s'était fiiit représenter. C'est lui qui, d'accord avec le roi de Navarre, fixa le rang que devaient occuper les grands seigneurs et régla l'ordre de la cérémonie. Le vicomte de Lavedan était le i^rand maître du convoi. Après la duchesse d'Lstouteville, le duc do Montpensier, M. le Prince, le duc de Nemours, le duc d'Aumale, le duc d'Estampes, le marquis du Maine et M. de Rohan. Les grands deuils étaient conduits par le duc du Vendômois, le comte de Caraman, qui descen- dait d'Isabeau de Foix portait la couronne royale; deux gentilshommes portaient le sceptre et la main de justice. Le vice-chancelier de Navarre et les trois plus anciens conseillers tenaient les coins du drap mortuaire. Les Etats de Navarre, de Foix, de Béarn, de Bigorre et de Nebouzan assistaient en corps aux funérailles i\ la ca- thédrale de Lescar. L'eifigie de la reine, vêtue de noir, fut étendue sur une estrade dans une chapelle ardente. De Thou * rapporte qu'en 1388 Vejji^ie du duc de Joyeuse fut portée dans les funérailles, honneur qui n'c- ' Aicliivcs de Pau C. CSo. • IbiJ., C. 38 i. ' Ibid., C. ôSj. * Livre X. C. h - 8 114 LA SOCIÉTÉ ET LES MŒURS EN BÉARN. dues démontrent sa sagesse et ses sentiments d'hu- manité. Guiraude Biélère avait blessé méchamment Bertaud deCarresse, curé de Castagnède. Un acte notarié cons- tate que Gaston condamna le coupable à ne plus entrer de sa vie au presbytère, à payer dix florins et à ve- nir le dimanche, pendant la grand'messe, en chemise, offrir au curé, en lui demandant pardon, une torche de cire de dix livres. Un trésorier concussionnaire fut condamné par le même Gaston Phébus à payer 25 florins et à demander pardon an peuple, à genoux, à l'église. Cette peine d'amende honorable était tout à fait dans les idées béarnaises . Ramonet de Garde avait frappé un moine de Lucq auquel il reprochait de grosses injures. Un acte de notaire de Lescar, daté de 1419, rapporte qu'il n'eut d'autre punition que d'aller en chemise devant la porte de l'église demander pardon et déclarer que le moine n'avait jamais traité sa femme ni sa belle-mère de ce qu'on disait... Depuis Gaston Phébus, aucun acte de cruauté ne tache la mémoire des souverains du Béarn. Les fiers barons féodaux, dans leurs châteaux à hautes tours, à larges fossés et à pont-levis, commirent- ils des horreurs en Béarn ? Aux vieilles déclamations contre la tyrannie seigneu- riale, il est d'abord facile d'opposer les principes trop oubliés de l'ancienne chevalerie office principal de che- valier est de soutenir femme veuve et orphelins , et hommes mal aisés et non puissants. MŒURS SEIGNEURIALES. I I > On a dit que hi rnfTale n'était pas plus dans la tctc des Béarnais que dans l'atmosphère de leur pays. Or, avant la llévolution, on vantait leurs inaHicrcs aisées, leur politesse séduisante ^ leur noblesse sans orgueil et leur peuple sans grossièreté. Ces éloges de la douceur des mœiu's béarnaises sont justifiés par l'histoire. Il nous est resté plusieurs testaments du xiV^ siècle ; j'en ai publié /// extenso. Le testateur, en général, fiiit aux pauvres des legs considérables. Parfois il ordonne la vente de sa vaisselle et de ses jo3'aux pour que le produit en soit distribué en bonnes œuvres ; il laisse ses beaux vêtements pour l'ornement des églises ; il n'oublie pas les mendiants et les pauvres filles sans dot; il songe aux défunts. Ainsi, dans son testament de 1392, Pées de Laxague laisse de l'argent pour être partit et distribuit aux paubres niendicans, et à paubres punceles maridar, et en niissas cantar en loc de pietat per ma anime et per tôles las aninws que io soy tengut. Les documents hitoriques et la tradition fournissent la preuve que le seigneur béarnais cherchait à être le père et non le tvran de son village. Lorsque l'heure d'abolir le servage eut sonné, Henri II et Marguerite Tirent les plus généreux etïorts pour qu'il n'y eût plus de serfs sur leurs terres. La résistance à cette tentative d'affranchissement général vint des serfs eux-mêmes. La liberté qu'on leur offrait à bon marché ne les séduisait pas. Sans doute ils devenaient libres, mais ;\ la condition de travailler pour vivre. Qui les soignerait en cas de maladie ? dui Il6 LA SOCIÉTÉ HT LES MŒURS EN BEARN. les nourrirait dans la vieillesse ? Qui marierait leurs • filles ? QjLii leur donnerait un toit pour s'abriter ? Qui leur assurerait le pain quotidien ? Henri II voulut prouver qu'il établissait l'égalité entre les serfs et ses autres sujets il fit entrer un serf dans la noblesse, malgré de grandes résistances du procureur général de la cour de Béarn. Les seigneurs de Béarn avaient intérêt à se faire aimer de leurs sujets. Il leur en coûtait cher d'être mal vus par eux. En tête du vieux For du pays, on raconte qu'an- ciennement le Béarn n'avait pas de seigneur. Les Béarnais en choisirent un en Bigorre. Au bout d'un an, comme ils en étaient mécontents, ils le tuèrent, et en choisirent un autre en Auvergne. Celui-ci se montra trop orgueilleux, la cour de Béarn le fit mettre à mort par un écuyer qui le férit d'un tel coup d'épieu que l'arme ressortit par le dos. Il me semble que ce début du For devait vivement impressionner les seigneurs. Anciennement, il y avait en Béarn douze barons, C'étaient de puissants hommes ; ils composaient la cour majeur et tenaient à la fois dans leurs mains le -glaive de la justice et celui de chevalier. Un jour le baron de Mirepeix se montra dur pour les pauvres. Et voici ce que dit là-dessus le vieux For Item judice lo seignor de Mirepeix qui si auguus deu da diers et no los posque pagar que posque et fo déposât de judice qui era deus doutée de Bearn. Idem a jugé le seigneur de Mirepeix que si quelqu'un doit de l'argent et ne peut MŒURS SKIGNiURIALiS. II7 le payer, il faut qu'il puisse, et il fut déposé de la qua- lité de juge, et il était l'un des douze de Béarn. » On a publié un livre sous ce titre Un baron béarnais au xVa^ siècle. QjLiand bien même un baron aurait com- mis des horreurs, ce ne serait pas une raison de répé- ter ab II no disce onines. En matière historique comme en matière judiciaire, il ne sulïït pas de dire la vérité, il faut la dire toute- entière. Pour juger une affaire, surtout une affaire poli- tique, il ne faut pas se contenter d'une pièce unique, en l'isolant de celles qui peuvent en modifier l'impor- tance, ou en détruire la valeur. J'ai examiné, avec mes habitudes de magistrat, le dossier de l'affaire du baron de Coarraze. Il se compose de cinquante -sept pièces réunies aux archives des Basses-Pyrénées'. Ce dossier n'est, d'ailleurs, pas com- plet et l'on courrait risque de se tromper si on ne tenait compte des influences sous l'empire desquelles l'affaire a été instruite et jugée, par deux cours, en sens con- traire. Il importe d'abord de bien connaître les faits. Ils ne sont pas racontés dans la procédure, ils sont constatés par riîistoire. François Phébus, roi de Navarre et seigneur de Béarn, mourut jeune à Pau. Sa sœur Catherine lui suc- céda, sous la régence de sa mère Madeleine. Jean de Foix, vicomte de Narbonne, père de ce t'ameux duc de Nemours surnommé V Achille français, voulut intro- ' K. ri Il8 LA SOCIÉTÉ ET LES MŒURS EN BEARN. duire la loi salique en Béarn. Il organisa donc une conspiration à Pau, et tenta de faire comprendre aux Béarnais qu'il leur valait mieux prendre pour seigneur un chevalier qui put les défendre que deux Jîlaridiêres c'était son expression. Louis XII, beau-frère du vicomte de Narbonne^ désirait faire passer la couronne de Navarre sur la tête du duc de Nemours, qu'il affection- nait particulièrement. J'ai raconté toute cette histoire ' dont l'aftaire du baron de Coarraze n'est qu'un épi- sode. Gaston de Foix, baron de Coarraze, avait pris parti pour le vicomte de Narbonne ; il paraît qu'il s'enten- dait avec le roi de France. Catherine et Jean d'Albret redoutaient ce voisin puissant et rebelle. Il ordonnèrent une information contre lui. Le baron présenta requête pour s'y fliire représenter par procureur. Ordre lui fut donné de com- paraître en personne ; mais il n'eut garde d'aller se mettre aux mains de ses ennemis. Sa terre fut immé- diatement saisie par Gaillardet de Lavignole, viguier de Pau. L'irritation du roi de Navarre était visible; il voulait perdre le baron révolté l'enquête eut lieu sans que le baron fut admis à se faire défendre. Cette enquête^ qui a été publiée sans commentaire, prêterait fort à la critique si elle était examinée par un juge impartial. Les témoins qui déposent sont parfois très suspects. Ciarmontine, âgée de trente ans, déclare qu'elle a été la maîtresse du baron ; elle ajoute qu'elle Voir Navarre française, t. I. p. 271. MŒURS SEIGNKURIALES. II9 n'aurait rien dit contre lui s'il l'avait bien payée etc.. QjLiels sont, dans cette enquête, les faits assez prou- vés pour que la justice pût les retenir ? Sept. Un seul est relatif à un acte d'immoralité non prévu par notre code pénal; les six autres sont relatifs à la conspiration ourdie contre le Roi de Navarre, en faveur du vicomte de Narbonne ou du duc de Nemours. Gaston de Foix a-t-il promis de livrer son château de Coarraze d'abord au vicomte, ensuite au roi de France ? A-t-il proféré des menaces contre la reine de Navarre ? N 'a-t-il pas mis son château en état de guerre ? N'a-t-il pas agi constamment contre les intérêts de Jean et de Catherine ? Voilà l'accusation vraie. On redoute le voisinage du château de Coarraze le baron est déclaré par défaut coupable d'avoir troublé le repos public, et son château est brûlé sans retard ni merci. Le baron, si durement traité par le roi de Navarre, était fort protégé par le roi de France. Il s'adresse au parlement de Toulouse qui, ayant quitté cette ville in- festée par la peste, siégeait à Montauban. Pierre Ferrant, un des juges de Pau, qui avaient condamné le baron, se trouvait à Montauban pour des affaires personnelles. Le parlement réclama de lui toutes les pièces du procès et, sur son refus formel de les communiquer, le fit ar- rêter et mettre en prison. Ferrant parvint à s'évader, et, dès qu'il tut à Saint-Gaudens, il porta plainte au pape et lit appel au prochain concile Qîcuménique. Devant le parlement de Toulouse, le baron de Coar- 120 LA SOCIETE ET LES MŒURS EN BEARN. raze gagna complètement le procès qu'il avait non moins complètement perdu à Pau. Un arrêt, en date du 1 1 jan- vier 1507, déclare le roi et la reine de Navarre coupables du hmslement du château de Coarraze; en conséquence, les condamne à cent pistoles d'amende envers le roi de France, à 5,000 livres de dommages-intérêts envers le baron et à la reconstruction du château dans le délai de quatre ans. De plus, Gaston de Foix était délié, sa vie durant, de la juridiction du roi de Navarre et de la fidélité qu'il lui avait promise. Cet arrêt, qui portait atteinte à la souveraineté du Béarn et aux droits de Jean et de Catherine, fut l'objet de longues discussions. Les Etats de Béarn soutinrent vivement leurs seigneurs et l'indépendance nationale; le roi de France menaça, par lettres patentes, de faire exécuter par la force l'arrêt rendu en faveur du ba- ron de Coarraze. L'exécution en fut ordonnée le 17 juin 1509. Mais^ en ce moment-là même, un événement im- prévu fit tout-à-coup succéder à l'inimitié la plus vio- lente la réconciliation la plus complète. Louis XII per- dit son neveu le duc de Nemours à la bataille de Ra- venne {13 12 et il sentit la nécessité d'une alliance avec Jean et Catherine contre Ferdinand le Catholique. Le traité fut signé le 17 juillet 13 12. Le même jour, l'arrêt du parlement de Toulouse fut cassé, et personne ne contesta plus l'autorité du seigneur de Béarn. Lorsque toute l'afîaire est ainsi expliquée, il n'est plus logique d'en conclure que Gaston de Foix était un odieuxtyran de village, et il n'est pas surtout juste défaire MŒURS SKIGNKURIALKS. I 2 1 entendre que tous les barons de Bcarn étaient taillés sur le même modèle. Que dit donc l'histoire ? Est-ce que les seigneurs féodaux ne commirent jamais de violences? Non pas. Elle dit seulement que le Béarn avait des tors qui ac- cordaient au peuple plus de garanties qu'ailleurs contre les violences des grands. Les vieux fors racontent qu'un seigneur élail très orgueilleux^ et ils approuvent qu'on l'ait mis à mort; ils racontent qu'un baron fut un juge trop dur et ils approuvent qu'on l'ait dégradé. Même en admettant que le baron de Coarraze ne dût être jugé que sur l'enquête fliite en son absence, il n'en résulterait qu'une chose la punition sévère qui l'avait atteint par le brusknienl de son château. Or, c'est le seul château brûlé par autorité de justice comme châtiment de l'inconduite d'un baron du pays. Dieu nous garde de fausser l'histoire pour calomnier la mémoire des anciens chevaliers béarnais, braves et doux entre tous ceux de leur temps. CHAPITRE XIV LA SORCELLERIE Histoire de la sorcellerie. — Un génie télégraphiste. — Thiltres d'amour. — Compte rendu d'une affaire de sorcellerie devant le conseil souverain. - Prétendus sorciers brûlés vifs au XIV^ siècle une sorcière béarnaise en 1882. - Transformation moderne de la sorcellerie. La croyance à la magie, à la sorcellerie remonte aux premiers siècles du monde ; peut-être ne finira-t-elle jamais. On la rencontre chez les anciens et chez les modernes, chez les Hébreux, les Grecs et les Romains, comme chez les Barbares. Elle existe encore, plus ou moins, chez tous les peuples de la terre, aussi bien à Naples qu'en Laponie. De nos jours, des juges ont condamné des sorciers. Le Neiu-York Herald nous a appris qu'une vieille femme indienne avait été lapidée, en décembre 1872, comme sorcière, en vertu d'une condamnation à mort prononcée par le conseil de Pina- Met, État de Nevada. LA SORCELLKKIK I23 De récents travaux ont paru sur la sorcellerie en I3éarn. J'avais trouvé dans les anciens manuscrits de Larcher de curieux détails sur des pratiques supers- titieuses que je croyais spéciales à nos régions pyré- néennes ; mais en relisant le livre de Bodin et d'au très ouvrages de démonologie, j'ai été surpris de trouver ces superstitions populaires répandues partout avec de légères variantes. De Lancre, dans son livre fameux et bizarre de Fln- constarice des Démons s'occupe des Basques et non des Béarnais. L'histoire des superstitions qui, par leur ori- gine et leur caractère, n'appartiennent qu'au Béarn, exige un triage qui n'est pas sans difficulté. Une quarantaine de textes de pièces relatives aux sorciers, ont été extraits des archives des Bassses- Pyrénécs. Les laits embrassent une longue période^ du 20 juillet 1392 au 19 mars 1671. Personne ne doute que les sorciers n'aient été jadis traqués en Béarn comme dans toute la France. Mais, comment ces affaires étaient-elles discutées et jugées ? Sous quel aspect se présentaient-elles ? 11 est intéressant de le savoir. Froissart raconte ' coiiiincnl Pierre de Béarn fui ma- lade par janlôme, et aussi '' eommetil un malin esprit, nommé Orlon servit pour un temps le sire de Corasse et lui rapportait nouvelles de par tout le moniie d' hu\ à len- demain . ' Liv. m, ch. XIV. 2 Liv. m, ch xxii. 124 LA SOCIÉTÉ ET LES MŒURS EN BÉARN. Cette dernière histoire est trop longue; elle a été trop souvent répétée pour être reproduite ici dans tous ses développements. Froissart paraît profondément convaincu de Texac- titude de ce qu'il rapporte Le sire de Coarraze avait eu, devant le pape à Avignon, un procès contre un clerc. Il le perdit, mais malgré toutes les supplications et les menaces du clerc, il ne voulait pas exécuter la sentence. Or, une nuit que le sire était couché avec sa femme, messagers invisibles commencèrent à bûcher et à tempêter tout ce quils trouvèrent parmi ce chastel, en telle manière quil semblait qu'ils dussent tout abattre, — La dame est fort effrayée ; mais le sire asse^ hardi pour attendre toutes aventures ne sonnait mot, car il ne voulait pas montrer courage d'homme ébahi. Bref, il découvre que c'est un messager du clerc qui lui jouait ce tour. Il par- vint à s'attacher ce messager invisible qui lui déclara se nommer Orton. Orton s'énamoura tellement du seigneur de Coarraze, qu'à nuit passée, il venait lui conter à l'oreille les nouvelles de ce qui se passait en Angleterre, en Ecosse, en Allemagne, dans les Flandres, en Bra- bant, en Hongrie et autres lieux. Lorsque le sire de Coarraze allait voir Gaston Phé^ bus, il l'émerveillait en lui contant ce qui s'était passé la veille dans les pays lointains. Un télégraphe n'eut pas mieux fait. L'ébahissement du comte de Foix est facile à com- prendre. Il excita la curiosité du sire et lui conseilla de chercher à voir ce nouvelliste mystérieux. Le sire se mit à solliciter Orton de se laisser voir. Orton refusa LA SORCELLKRIE. 12 longtemps et finit par lui dire la première personne chose que vous verrc{OH enconlrere{deniain an matin quand vous soudre^ de votre lit, ce serai-je. Le matin, il eut beau chercher, il ne vit rien. Le soir, il se plaignit à Orton /// n'es qu'un lourdeur. Orton répondit Rappelez-vous bien ce que vous avez vu ? » — Je n'ai vu que deux longs fétus sur le pave- ment qui tournaient ensemble et se jouaient. — Lh bien ! c'est dans cette forme-là que je m'étais mis. Regardez demain. Le matin, en se levant, il vit une truie haute et maigre comme il n'en avait jamais vu. Il lui lança les chiens. La truie jeta un cri, regarda le sire de Coarraze et s'évanouit. Depuis, Orton n'a plus reparu. Cette croyance aux génies invisibles apportant les nouvelles des lointains pays paraît avoir été assez ré- pandu dans nos contrées et ailleurs. Almanzor perdit en 998 une bataille sur les frontières de Léon et de Castille et ne survécut guère à sa défaite. 3r, le jour même où les musulmans avaient été vaincus et bien qu'aucun messager n'eût humainement pu fran- chir la distance du lieu du combat à Cordoue, un homme, vêtu en pécheur, parcourut les rues de la ville, d'une voix lamentable, d'abord en arabe, ensuite en espagnol^ la perte de la bataille. Ow accou- rut, on voulut s'approcher de cet homme Soudain, il s'évanouit, » CHAPITRE VII UN DRAME VECU AU CHATEAU Personnages Catherine de Navarre. — Corisande. — Palma Cayet. — Sully. — Henri IV, personnage muet. Pau cesse d'être capitale. Comme toutes les grandes demeures féodales , le château de Pau a été le théâtre de sanglantes tragédies et de drames mystérieux. On raconte qu'un jour Montgonmery fit passer d'un repas au trépas de braves gentilshommes à qui d'ailleurs il avait promis la vie sauve. Au lieu de rapporter ce que l'histoire a consigné, faisons revivre un véritable drame vécu. La scène se passe au château. Personnages Cathe- rine de Navarre, Corisande, le comte de Soissons, Sully, Palma-Cayet. Personnage muet Henri IV. Catherine avait le cœur aussi sensible, mais plus constant que son frère Henri IV. Dix ou douze princes sollicitèrent sa main. Le roi faisait bon accueil à tous, mais ne voulant déplaire à aucun, il n'arrêtait pas UN DRAME VECU AU CHATEAU. I93 son choix. Celui de Catherine était fliit. Elle aimait le comte de Soissons qui, après avoir gagné l'affection d'Henri IV, encourut toute sa haine. Catherine, qui avait donné son cœur, n'était pas femme à le reprendre pour le porter à un autre. Son amour profond résista pendant vingt-six ans à tous les efforts faits pour l'amener à y renoncer. Henri IV adorait sa sœur, mais il était résolu à em- ployer tous les moyens pour empêcher ce mariage. Co- risande prit parti pourHenri, tant qu'elle en fut aimée; lorsque sa beauté fut flétrie et son amant infidèle^ elle prit parti pour Catherine. Corisande était une femme supérieure. A Pau, elle occupait une haute situation; elle pleurait toujours Henri qui l'avait tant adorée, mais elle cachait ses larmes et ne montrait pas son dépit. Le peuple la saluait lors- qu'elle traversait les rues de la ville. Elle ne sortait, même pour aller à l'église Saint-Martin, qu'avec un cortège qui paraîtrait aujourd'hui bien bizarre elle était accompagnée d'un mercure, d'un bouffon ^ d'un More, d'un basque avec une robe verle, d'un nia^ot appelé Bertrand, d'un page anglais, d'un barbet el d'un laquais. Son influence était grande au château. Elle était la confidente, le conseil, l'intime amie de la régente. Palma-Cayet était aussi fort considéré à la cour béar- naise^ c'était un homme d'une immense érudition. Savant et poète, il a composé des ouvrages fort esti- més. Il avait été à Genève l'élève et le prosélyte de Calvin; il finit par se convertir et mourut docteur de la faculté de théologie de Paris. A Pau, il était ministre i3 194 LA SOCIÉTÉ ET LES MŒURS EN BÉARN. protestant attaché à la princesse qui le tenait en estime et affection. On a sérieusement accusé Palma-Cayet de s'occuper de sciences occultes, d'avoir fait un pacte avec Satan sons le nom de Terrier, prince des esprits sou - terrains. Ce qu'il y a de certain, c'est qu'il avait de l'esprit comme un diable. Sully, qu'il ne faut pas appeler ici l'austère Sully, joue le vilain rôle. Les personnages sont connus. Ils vont agir. Corisande devient pressante Catherine ne pouvait point laisser passer sa jeunesse sans conclure son union avec le prince qu'elle aimait. Une fois le mariage accompli, Henri chérissait trop sa sœur pour ne pas tout lui pardonner. Catherine cède à ces raisonnements qui répondent si bien aux désirs secrets de son cœur. Le comte de Soissons et la princesse de Navarre signent en bonne et due forme une promesse de ma- riage. Palma-Cayet est appelé pour célébrer la cérémonie nuptiale. Il refuse. Il ne fera rien sans les ordres du roi. Le comte insiste. Palma-Cayet reste inflexible. Après les promesses, viennent les menaces a Obéis, dit le comte furieux en tirant son épée, obéis ou je te tue.» — J'aime mieux, répond Palma, périr de la main d'un prince en faisant mon devoir, que de la main du bourreau après avoir trahi mon maître. » Henri apprend que sa sœur a signé à son insu, la pro- messe de mariage avec un prince qu''il accusait de con- voiter sa couronne avec l'aide du pape et du roi d'£s- UN DRAME VÉCU AU CHATEAU. 195 pagne. Il donne des ordres sévères. Le sieur de Pangeas, président du conseil souverain de Béarn, se rend au château, en chasse le comte et met des gardes autour de la princesse, afin qu'elle ne puisse se laisser enlever. Soissons promit à Pangeas de se venger, mais il n'en tira qu'une tardive et mesquine vengeance l'ayant un jour rencontré à Poatoise, il le fit roule r du haut d'un escalier. Le roi, inquiet et tourmenté du traité signé par Ca- therine, appelle Sully, lui ordonne de partir pour Pau et de rapporter cet acte. // me prit un fré/nissenient, dit Sully, quand je reçus cet ordre. Le roi ne voulut rien écouter, il fiillut obéir. Mais lorsqu'il fut seul, Sully réfléchit aux difficultés de sa mission. Faire renoncer Catherine à épouser Soissons est impossible si l'on n'y emploie que de douces paroles et des moyens honnêtes. Il fiiut user d'artifices. La fourberie lui répugne sans doute ; mais il faut plaire au roi, et l'austère calviniste trouve des accommodements avec sa conscience. Après tout, c'est rendre service à Catherine que de conjurer les mal- heurs que l'irrégularité de sa conduite peut attirer sur elle et sur le royaume. Sully prend le rôle de fourbe et le joue à merveille. Il redouble d'amabilité auprès de Madame; elle le retrouve plus charmant, plus empressé que jamais. Sully savait que du Perron avait de l'influence sur la princesse ; il gagna complètement sa confiance, afiec- tant un air d'insouciance qui éloignait tout soupçon, si bien qu'au moment de p.itir, il n'avait encore rien 196 LA SOCIÉTÉ ET LES MŒURS EN BÉARN. dit. Enfin, comme cédant au besoin de s'épancher dans le cœur d'un ami, il a l'air, sous la promesse formelle du secret, de lui faire une confidence le roi s'était beau- coup apaisé ; il aimait sa sœur et ne voulait pas la rendre malheureuse ; bref, pour qu'il donnât son con- sentement il ne restait plus que quelques difficultés faciles à aplanir. Du Perron fut pressé de tout raconter à la princesse et àCorisande. Sully avait bien compté sur cette indiscré- tion. Il feignit d'être à la veille de son départ et vint prendre congé de la princesse qui lui fit le meilleur accueil. Corisande épuisa toutes ses séductions pour qu''il prit le parti de Catherine et qu'il les aidât à ter- miner le mariage. Sully le lui promit avec tant de cha- leur d'agir que Corisande l'embrassa avec élan. Alors, on retint Sully ; on ne douta plus de son concours les deux amoureux lui en auraient une éter- nelle reconnaissance. Mais, au moment où on croyait tenir Sully, il se refroidit subitement ; il éprouvait le regret d'avoir commis une imprudence ; il ne disait plus rien, comme s'il en avait trop dit. Catherine et Corisande mettent tout en œuvre pour le flûre parler ; enfin il paraît vaincu par leurs caresses il lui est impossible de rien cacher. Le roi, dit-il, n'aurait pas été fâché que le comte de Soissons, prince du sang, épousât sa sœur, puisque sa sœur adorée l'avait préféré à tout autre. Mais ce qui l'avait profondément blessé, ce qu'il ne lui pardonnait pas, c'était de vouloir épouser sa sœur contre son aveu. > UN DRAME VI'XU AU CHATEAU. I97 — Que f^iire, alors, dit Corisnndc ? Sully se tait et paraît réfléchir profondément. Catherine et Corisande, dupes de cette sincérité ap- parente, le pressent, le supplient de leur dire comment on pourra calmer le roi. Sully se tait toujours. Enfin, à de nouvelles instances, il répond Vous avez aigri le roi en manquant de confiance envers lui; vous pou- vez gagner son cœur en adoptant le système contraire ; il faut vous en remettre entièrement à lui ; sacrifiez- lui cet engagement qui l'a tant irrité; faites-lui une déclaration constatant que vous renoncez à vous ma- rier sans son consentement, et je vous assure qu'après cet acte de complaisance, il ne s'écoulera pas trois mois que le bon Henri ne soit heureux de combler vos dé- sirs et de cimenter une union, d'ailleurs^ bien as- sortie. » La déclaration demandée coûtait à si2ner il ne fal- lait pas seulement la signature de Catherine, il fal- lait aussi celle du comte de Soissons. Sully parvint à lever tous les obstacles, donnant sa parole d'honneur qu'il ne remettrait jamais l'écrit au roi si les choses tournaient autrement qu'il comptait. Sullv ne livra pas cette déclaration à Henri IV, mais il s'en servit pour empêcher l'union qu'il avait promis de favoriser. Le dernier acte du drame, c'est la fureur du comte de Soissons contre Sullv. Mais cette fureur, bruyante autant qu'impuissante, n'cnipécha pas la rupture du mariage d'être définitive. Lorsque son tronc lut atlormi et sa gloire complète, 198 LA SOCIÉTÉ ET LES MŒURS EN BÉARN. Henri IV voulut dédommager sa sœur des peines qu'i lui avait causées. Il l'appela auprès de lui. Depuis ce jour, Pau cessa d'être une résidence royale, et la société royale y prit fin. CHAPITRE VIII L ENLEVEMENT DE LA FIANCEE Aveu t lires d'Amie de Fonteiuoret et de Jean de Piiy Giiyon. Dans le cours des xv^ et xvi'' siècles, à côté des grandes figures de chevaliers comme Gaston de Poix et Bayard, on trouve des hommes qui faisaient bon marché de la vie humaine, qui enrôlaient les spadas- sins aussi disposés au rôle de bandit qu'au métier de soldat. Le pays de Béarn était trop petit, le seigneur était trop puissant pour que la répression des violences et le châtiment des coupables y fussent diOicilcs. En France, au contraire, et surtout en Italie, la justice ne pouvait atteindre tous les grands criminels. Voici un drame qui ne se passait pas à la cour et qui nous lait voir que le malheur des temps s'étendait aux diverses classes de la société. Anne de Fontemoret, unique héritière du sire de Parcy, était à la fois jeune, belle et riche. Aussi les 200 LA SOCIETE ET LES MŒURS EN BEARN. prétendants étaient nombreux. Plus d'un fut éconduit. En ce temps-là , bien des hommes regardaient un refus comme un affront, et la vengeance paraissait licite. Un brillant écuyer, Jean de PuyGuyon, maître d'hôtel de Jean d'Albret, roi de Navarre, conçut le désir de gagner le cœur d'Anne de Fontemoret et d'obtenir le consentement de sa mère, Jeanne de Laporte. Les articles et convenances du futur mariage furent ré- glés d'un commun accord, les fiançailles célébrées avec pompe. Mais on décida qu'avant la bénédiction nuptiale on ferait un voyage ; Jeanne de Laporte désira que h fiancé fût content de les amener dans sa maison, en France loin de Pau . Le voyage fut long, mais charmant au début. Rien n'abrège les heures comme les tendres propos et les rêves d'amour entre deux cœurs prêts à s'unir pour toujours. Non loin de Tours, ils naviguaient sur la Loire, s'arrêtant dans les hôtelleries, qui bordaient le rivage, pour y prendre leurs repas et se reposer. Un jour qu'ils sortaient joyeux de l'une de ces hôtelleries, des cava- liers se jetèrent tout à coup sur eux, enlevèrent la de- moiselle et disparurent. Jean de Puy Guy on, désarmé par surprise, accablé par le nombre, n'avait pu s'op- poser à ce rapt odieux. Mais Jeanne de Laporte en avait reconnu l'auteur. C'était du Mesnil, frère puîné du sieur de Maupas. Plusieurs fois il avait demandé la main de la jeune fille pour laquelle il éprouvait une L j;nlivhmknt di-; la i-ianche. 201 passion violente ; son âge, sa personne, son caractère brutal avaient fait repousser ses sollicitations. Du Mesnil jura de se venger. Informé de l'arrivée des fiancés en Touraine, il ne recula pas devant un enlèvement à main armée. Jeanne de Laporte s'adressa au parlement de Paris. Sa plainte y fut accueillie. Un arrêt condamna du Mesnil à être pendu, et ses complices à une amende de 4,000 livres; mais les coupables n'avaient eu garde de comparaître. Cependant, la mère et le fiancé ont reconquis la jeune fille. Ils ont hâte de fuir ces rivages maudits et de revenir à Pau ; mais voici que, repassant au même endroit, ils voient avec terreur une troupe d'hommes armés en guerre, les arbalètes bandées et les traits dessus. Une voix terrible s'écrie Tue^le, tiiC/^-Ie! et aussitôt une grêle de flèches s'abat sur Puy Gu3^on. Le fiancé eut beau résister, la mère crier au secours ; la jeune fille se rouler à terre en poussant des cris la lutte ne fut pas longue. Puy Guyon put s'échapper; mais les assaillants, taisant cette fois main basse sur les bagages, l'or, l'argent, les bijoux et le trousseau valant mille écus, garrottèrent solidement la mère et la fille, qu'ils emportèrent au château de Maupas. Là, on renvoya la mère. L'écuyer tenta vainement de recourir à la justice toutes ses réclamations restèrent sans résultat. Vovant l'insuccès de ces démarches, il se retira chez le sire d'Al- bres, puis rejoignit le roi de Navarre qui n'était pas très bien en ce moment avec le roi de l'rancc, Louis XII. 202 LA SOCIETE ET LES MŒURS EN BEARN. La mère désolée ne pouvait pas s'éloigner des lieux où sa fille était retenue captive. Elle tenta des efforts inouïs pour la revoir. Elle parvint un jour à se glisser sous un déguisement dans la chapelle où, pendant la messe, elle aperçut enfin la pauvre Anne de Parcy. Mais Anne était bien gardée; à partir de ce moment, elle ne reparut plus dans aucune église. Brisée de douleur, Jeanne de Laporte finit par aller rejoindre Puy Guyon qui avait repris ses fonctions à la cour de Navarre. Ce fut pour y mourir. Une commu- nauté d'infortunes lui avait encore rendu plus cher celui qu'elle avait choisi pour son fils. C'est entre ses bras qu'elle expira, emportant la promesse formelle que le fiancé sacrifierait tout pour la délivrance de sa fiancée.. L'écuyer avait trop d'honneur pour manquer à sa parole ; il avait trop d'amour pour ne pas hasarder sa vie, afin de reconquérir celle qu'il avait tant pleurée. La cour de Navarre ne manquait pas de braves ca- valiers, avides de périlleuses aventures. Plusieurs s'at- tendrirent aux récits de l'amant malheureux, et lui promirent le secours de leur épée. A la tête de ces amis dévoués, Puy Gu5^on entreprit un long et difficile voya- ge. Il n'était pas bien fixé sur le lieu où se trouvait le château de Maupas. On y arrive enfin. Il saute de cheval et frappe à la porte ; mais le guetteur l'a recon- nu et refuse d'ouvrir. Il enfonce la porte, pénètre dans le château, se livre avec ses compagnons aux plus mi- nutieuses recherches Anne de Parcy ne paraît point. Cependant, un sayon de satin et un pourpoint de da- L ENLEVEMENT DE LA ELANCEE. 20 3 mns cramoisi disent assez qu'elle était là. La dame de Maupas crut qu'on venait l'outrager, a Mademoiselle, lui dit l'écuyer, je ne suis pas venu ici pour faire dom- mage à votre personne ni à vos biens. Je garderai qu'il ne soit rien touché de ce qui est à vous. » Mais toutes les perquisitions restèrent sans résultat Anne de Parcy, à la première alerte, avait été conduite dans un château éloigné. Puy Guyon revint à Pau plus désespéré qu'il n'en était parti. Quatre ans s'écoulèrent. Il fut un jour, obligé d'al- ler à Dax, qui était terre française. A peine y était-il arrivé qu'en vertu d'un ordre de la chancellerie, il était arrêté et mis en prison. Voici ce qui s'était passé Le sire de Maupas, cachant les circonstances du rapt et les fiançailles d'Anne de Parcy, s'était plaint à la justice de la violation de son domicile et des violences commises par une compagnie d'hommes d'armes organisée pour le crime et le pillage. Ajour- nement avait été donné à Puy Guyon pour comparaître devant le parlement de Paris. Mais l'écuyer qui était déjà à cent cinquante lieues de distance, n'avait eu aucun avis de l'information. 11 ignora l'accusation portée contre lui, ut jugé par contumace; la sentence devint définitive, et, lorsqu'on l'arrêta, il eut beau réclamer, sa plainte ne put être entendue. Dans le cachot oii il était enfermé, Puy Guvon avait perdu toute espérance. Un prince étranger le vit, en visitant la prison ; il l'interrogea et fut frappé de la sin- 204 L'^ SOCIÉTÉ ET LES MŒURS EN BEARN. cérité de ses paroles, et, usant du droit de grâce dont il joussait pour première venue et joyeuse entrée, il lui rendit la liberté. Tous ces faits, exactement résumés, sont extraits d'une pièce des archives des Basses-Pyrénées, ayant pour titre lettres de grâce et de rémission accordée à Jean dePuyGuyon, prisonnier à Dax, par Philippe, archiduc d'Autriche, à son entrée dans le royaume, suivant le pou- voir qui luy avoit esté donné par le roi, 2 1 janvier 1 501 ^ » 1 Archives de Pau, E. 1 1 . CHAPITRE IX LES EAUX DES PYRENEES Antiquité des Bains des Pyrénées. — Les bains de Bagnères-de-Bigone déclarés lieux d'asile. - Un drame au xiye siècle. — Ordonnances pour les bains de Caiiterets et d'Ossaii an moyen âge. — Henri II et Marguerite à Cauterets. — Aventures d'une excursion à Barîges. — Eloge des eaux Olhagaray, du Bartas. — Satire d'Auger Gaillard. — Les frotteurs ; médecine et sortilège. — Catherine de Médicis et Elisabeth d'Espagne. — De Thon et les buveurs d' Eaux- Bonnes. — Le marquis de Gontaut à Barèges. Là merveilleuse vertu des sources minérales était connue dés la plus haute antiquité Hippocrate l'a pronéc et Pline a parlé des eaux chaudes des Pyré- nées. Les Romains ont laissé des monuments de leur pas- sage à Bagnéres-de-Bigorre, des témoignages de leur reconnaissance envers les Nymphes de la montagne qui leur donnaient la santé Nxniphis pro salulc. Les thermes qu'ils avaient construits disparurent du- rant la période barbare ; mais le malade est trop dési- reux de revenir ;\ la santé perdue pour négliger ce qui 206 LA SOCIÉTÉ ET LES MŒURS EN BÉARN. peut la rendre. Aussi le moyen âge ne dédaigna pas Bagnères et Cauierets. M. le docteur Dejeanne s'est occupé, avec beaucoup de zèle ei; de talent, des antiquités des établissements thermaux de Bagnères il a publié le texte d'un règle- ment de 13 17 sur la police des bains, accompagnant le texte d'une traduction. Alais pour bien interpréter les chartes bigorraises, il flmt connaître à fond la vieille langue et les vieilles mœurs du pays. M. Dejeanne a commis peu de fautes dans sa traduction, mais il en a commis au moins une il a traduit que les bains sien sau- bedat par que les bains soient bien gardés. Le docteur Honnorat dans son Dictionnaire provençal français, tra- duit sauvetat, salvedat, par lieu de santé, lieu d'asile. Les mots salvitas, saubedat, dans la langue locale, sont sou- vent employés dans les Fors de Bigorre et dans plusieurs chartes de nos contrées que Ducange et Carpentier ont citées dans leur Glossaire. Or, le droit d^isile était évi- demment accordé aux bains de Bagnères, puisque le docteur Dejeanne traduit lui-même un peu plus loin que tout homme ou femme, pauvre ou riche, de la ville ou étranger, soit sauf et en sûreté, en entrant ou en sortant, dans l'eau ou hors de l'eau, à côté ou aux alen- tours des dits bains ». Des peines sévères étaient édic- tées contre ceux qui commettaient des crimes contre les baigneurs ou qui altéraient la pureté de l'eau des bains. Dans ces temps de violences et de vengeances, il était commode d'aller attaquer dans la baignoire son ennemi désarmé et sans défense. Le docteur Dejeanne et M. Fr. Soutras ont à ce sujet publié un très eu- LKS EAUX DES PYRÉNÉES. 207 ricLix document intitulé Un Procès criminel à Bagnèrcs en ij2. Raymond deus Frais, condamne à mort pour avoir assassiné un individu dans le bain, fut conduit d'abord près du bain où il avait commis le crime ; là fut proclamée la sentence rendue contre lui ; puis il fut mené de rue en rue et dans tous les carrefours ; au son de la cornj qui attirait la foule, publication était faite que celui qui agirait comme le patient serait puni comme lui, et, après avoir été trainé jusqu'à la potence, le meurtrier}' fut pendu. Les eaux de Bagnères n'étaient pas les seules fré- quentées dans les Pyrénées. On a dit que les moines du moyen-âge n'aimaient pas les bains parce que les païens les aimaient trop, et qu'il préféraient comme moyen curatif l'exercice que procuraient les pèlerinages. Sans doute les chrétiens, à la ditîérence des Romains ou des Musulmans d'Espagne, ne regardaient pas les bains comme une des voluptés de la vie ; mais l'Eglise, en soulageant les souffrances de l'âme, n'a jamais dé- daigné les moyens que la Providence et la science met- taient à la disposition de l'homme pour le soulagement des souffrances physiques. L'origine antique de Cauterets est prouvée ' ; maintes lois, des bulles pontificales furent accordées à Vbopital de ce lieu, et les rèi^lcs cl ordonnances per los buinos cl Cabanes de Caiilares sont connues. Un moine de Saint-Savin était, de temps immémorial, obligé de ' Voir nuU-c Moiio^i;rjyliic Je \\ 120 et suivantes. 208 LA SOCIÉTÉ ET LES MŒURS EN BÉaRN. résider dans la maison des bains, ainsi qu'un maître chirurgien ; les cabanes étaient louées aux enchères ; si les cabaniers faisaient des distinctions entre les riches et les pauvres, les cabanes leur étaient retirées ; tous les comestibles devaient être publiquement vendus sur la place, on ne pouvait aller les vendre dans les mai- sons, à cause, est-il dit, de certains abus qui se commet- taient ordinairement au préjudice des pauvres et des étran- gers et pour d'' autres considérations. De notre temps, où l'égalité est inscrite partout, sans être pratiquée nulle part, elles seraient bien venues les ordonnances qui, dans les stations balnéaires, prescri- raient de ne faire aucune distinction entre les indigents et ceux qui ont beaucoup d'argent à dépenser ! Les rois d'Aragon et de Navarre allaient jadis cher- cher aux eaux thermales de Cauterets la guérison de leurs maux. Mais il y avait des eaux plus voisines de Pau les Eaux- Bonnes et les Eaux- Chaudes que Jeanne d'Albret, Henri IV et Catherine de Navarre protégeaient et prirent en prédilection. Les jurats de Laruns ne négligèrent rien pour attirer leurs souverains dans ses sauvages montagnes et pour leur en rendre le séjour agréable. La première chose était d'approvisionner de vivres ces lieux stériles, de difficile accès. Comme à Cauterets, les maisons des- tinées aux baigneurs s'appelaient Cabanes. Les jurats de Laruns louaient aux enchères le monopole de la vente des vivres pendant les saisons thermales ^ * Archives des Basses-Pyrénées, E. 1861. LES EAUX DiS PYRENEES. 209 Maigre la modicité du prix il paraît que les ma- lades s'endettaient souvent en allant aux eaux. Dans un registre de notaire de 1523 à 1525 ', se trouve le testament d'Augustin Tahon qui déclare devoir cinq sols à Noël de Bcudat pour dépenses aux Eaux de Cau- tère ts. Henri II ramena d'Italie des soldats blessés par les arquebuses, armes nouvelles alors. Les eaux sulfureuses les guérirent, et le roi de Navarre appela les Eaux- Bonnes, eaux d'arquehusade. Des femmes longtemps stériles trouvèrent aux Eaux-Chaudes la réalisation de leurs vœux ; on appela ces eaux ciuprcgnadcres . Dans une lettre à François P"", Marguerite s'ex- prime ainsi Encore que l'air chault de ce pays de- voit ayder au roi de Navarre, il ne laisse pas de se ressentir de la chute qu'il prist ; par le conseil des médecins à ce mois de may s'en va mettre aux baings de Cautercts, ou il se fait tous les jours des choses merveil- leuses. Je me deslibére^ après m'estrerepouséececaresme, d'aller avec luy pour le garder d'ennuy et foire pour lui ses affaires ; car tant que l'on est aux baings, il fault vivre comme ung enfant sans nul soucy. » Et voici le commencement de VHeplaniérou f. 68 1. - Archives, l"^. 187J. 214 LA SOCIÉTÉ ET LES MŒURS EN BÉARN. empêchait les personnes i^morantes et crédules d'ap- procher des montagnes fréquentées par les fées, Bor- deu ajoute que, sous Jeanne d'Albret,les Eaux-Chaudes étaient déjà très célèbres. Montaigne, dit-il, les prati- quait et les aimait, et les appelait Gramontoises K » Parmi les baigneurs et les visiteurs, il ne faut pas oublier les auteurs et les poètes du temps de Henri IV, qui les mirent en faveur en célébrant leurs vertus. Olhagaray ^ vante les Aiguë s-Bonnes . Qui pouvait assez louer, dit-il^ les Aigues-Caudes, sujet assez^ ample, pour quelque brave médecin^ d'une œuvre admirable pour la postérité. » Du Bartas a écrit ces vers très connus Or, comme ma Gascogne heureusement abonde En soldats, bleds et vins, plus qu'autre part du monde. Elle abonde de même en bains non achetés, Où le peuple estranger accottrt de tons côtés. Où la femme brehaigne, où le paralytique, L'ulcéré, le goutteux, le sourd, le sciatique. Quittant du blond soleil l'une et l'autre maison, Trouve sans déhoiirser sa prompte guérison. Encausse en est témoin, et les eaux salutaires De Cauderets, Barège, Aigues-Chaudes, Baignères, Baignères la beauté, l'honneur, le paradis De ces monts sourcilleux Elle n'a pas maison qui ne semble être neuve ; L'ardoise luit partout, chaque rue a son fleuve Qui clair comme cristal par la ville ondoyant, Va toute heure qu'on veut le pavé balayant. . . . ;.. Henri II, dit-on, aimait certaine dame à laquelle il aurait donné une chaîne d^'or faisant trente fois le tour du cou, si Jeanne d'Albret ne l'eut pas gagnée en chantant au moment où elle mettait au monde Henri IV. Marguerite aimait tant à écouter et à conter les. anecdotes grivoises qu'on l'a accusée de s'être permis elle-même beaucoup de grivoiseries. — Elle admirait beaucoup, et elle a bien pu aimer un peu, son valet de chambre, Clément Marot, qui, à travers des images poétiques^ laissa percer pour la reine de Navarre un sentiment plus tendre que le respect. On peut voir,, disait-il Que je suis serf d'un monstre fort étrange, Monstre, je dis, car pour tout vrai, elle a Corps féminin, cœur d'homme et tête d'ange. Quant à Antoine de Bourbon^ le désordre de sts> mœurs était un scandale qu'il ne se donnait même pas la peine de cacher. En tête des pensionnés de la reine Jeanne figure M. de Comminge, bâtard de son époux. Les ennemis du mari n'avaient, du reste, pas man- qué d'avertir la femme. Des lettres violentes lui disaient qu'Antoine se laisse mener par un tas de gens desquels la dépravation ne peut apporter avec soi aucun de bon fruit, si ce n'est de toute dissolut ion , paillardise^ ido- lâtrie ». MŒURS BEARNAISES SOUS LES ROIS. 233 D'après L'Estoile, Antoine de Bourbon était sifacile, si indolent, si voluptueux, qu'une intrigue d'amour lui faisait abandonner les plus grandes affaires du monde. Ses amours avec Iseult de la Béraudière sont trop connues pour les rappeler. Jeanne d'Albret, si vénérée des calvinistes, passa pour avoir eu une austérité de mœurs qu'on a souvent mise en contraste avec les désordres de son mari. Ce- pendant, les pamphlets de l'époque lui ont reproché ses amours avec le ministre Merlin qui vint s'établir près d'elle, à Pau, dès qu'elle fut veuve. Elle contracta ensuite un mariage, fait à petit bruit, avec un de ses gentilshommes, M. de Goyon, qui la rendit mère. Les ministres protestants les plus dévoués regardèrent ce mariage secret comme entaché d'irrégularités qui ne furent jamais rectifiées '. Les catholiques n'ont pas épargné Henri IV avant sa conversion, ni les huguenots^ depuis qu'il eût abjuré. C'est à Pau que le bon roi trouva les premiers com- pagnons de sa valeur, et sa correspondance révèle sa prédilection constante en fiiveur de ses premiers sujets. Cependant, voici ce qu'on lit dans une brochure du temps intitulée V Advcrlissemcnt des catholiques de Bcarn aux catholiques français Connaissant de longue main à nostre dam le poil du loup qui tâche de vous charmer pour après vous égorger, nous avons estimé être de nostre devoir de vous descrire le naturel de la bcstc, afui que, vous ' Ih'uri IV, vie priv.'c. ch. xxiv, y. 272. 234 LA SOCIÉTÉ ET LES MŒURS EN BÉARN. tenant sur vos gardes, elle n'ait moyen de vous endom- mager. Depuis vingt ans, il a appelé un million d'étran- gers pour butiner et partager votre royaume... C'est lui qui a pillé et démoli 20,000 temples et 2,000 mo- nastères, c'est lui qui a fliit mourir, tant en guerre que par divers supplices, jusqu'à 1^600,000 hommes; c'est lui qui a fait abattre 900 hôpitaux; qui depuis Taver- tissement flùt à la noblesse en 1580, avec les protesta- tions qu'il réitère, a tait vendre les prêtres l\ l'encan et les délivra au plus offrant, afin que les huguenots eussent sur qui exercer tout à loisir leur diabolique fureur. — Il se croit roi de France ; c'est une maladie de ceux qui sont estropiés du cerveau de se dire rois du premier pays qu'ils avisent et de se fiuitastiquer des seigneuries en l'air... Gardez-vous de confier vos poules à ce renard » . Ils y allaient bien, certains insulteurs de ce temps- là!... Les amours de Henri IV sont une longue histoire qui a de tristes chapitres. Lisez^ dans les Mémoires de Marguerite, ce qu'elle dit de Fosseuse, que son mari avait conduite sans elle à Eaux-Chaudes. Quelle in- constance ! Et Corisande, comme il l'abandonna quand elle fut devenue grosse, grasse et rouge de visage ! Les désordres de sa femme Marguerite peuvent seuls soutenir le parallèle avec le scandale de ses mœurs ! Les chroniqueurs et les romanciers du temps en sont pleins. Ils sont entrés dans le détail des raffinements inouis de luxure qu'elle mettait à recevoir des amants. Après avoir prodigué ses fîiveurs aux personnages les MŒURS Br,ARXAlSI-S SOUS LI-S ROIS. 235 plus illustres, clic descendit jusqu'au iils d'un chaudron- nier, le musicien Villars; et elle afficha tellement cette passion qu'on baptisa l'amant du surnom de roi Mivxot ! Heureusement, à cette cour de Navarre^ il est d'autres tableaux. Les historiens sont tous d'accord à reconnaître les mœurs irréprochables de Jean d'Albret. Jean était heu- reux à Pau où les mœurs béarnaises lui permettaient de vivre comme en flimille avec ses sujets, d'avoir avec eux une familiarité que les mœurs espagnoles, n'eussent pas autorisée. Comme roi, la fermeté lui eut, certes ! plus servi que la bonté pour garder sa couronne ; mais comme seigneur de Péarn sa bonté suffit pour le taire adorer. Henri II admirait et respectait Marguerite. Il l'en- tourait d'hommages, à cause de François P'' son frère et à cause d'elle-même. S'il y eût entre eux quelque divergence d'idées, il exista toujours entre eux une grande communauté de sentiments et une affection réciproque. Henri II fut inconsolable de la mort de sa femme. La chasteté de Marguerite avait été mise en doute, mais les travaux de la critique moderne ont démontré la fausseté des soupçons jetés sur sa vertu. Sa vie fut chaste, pieuse, exemplaire. C'est chose aujourd'hui ju- gée par l'histoire. Du reste, Marot a pu dire d'elle liî chasteté, elle excède Lucrèce. Les expressions qui nous choquent et qui ne sont plus admises dans la bonne compagnie, étaient jadis. 236 LA SOCIÉTÉ ET LES MŒURS EN BÉARN. étalées partout sans choquer la pudeur publique. Le fond des contes de la reine de Navarre a toujours une certaine moralité. Et depuis quand juge-t-on exclusi- vement de la moralité des auteurs par celle de leurs- romans ? Antoine de Bourbon eut sans doute une conduite qui ne fut pas toujours exempte de reproches; mais avant de mourir il montra son repentir et sa grandeur d'âme. Il fut frappé d'un coup de feu dans une posi- tion ridicule, mais c'était au moment où il allait mon- ter à l'assaut. Il n'était pas seulement le plus aimable des hommes, il était aussi l'un des plus vaillants. Car, dit Brantôme, de cette race de Bourbon, il n'y en a pas d'autres ». Jeanne d'Albret éprouva de sa perte une vive dou- leur que Palma Cayet, alors auprès d'elle, raconta ainsi La royiie Jeanne tstoit pour lors à Pau, Qui entendant ce désastre nouveau Devint en soy de faict toute éperdue Et à peu près en eust l'ame perdue. Elle se mist de grand zèle en prière ; Qj-i'ainsi en fut sa façon coutumière C'étoit de faire oraison au Seigneur, Qu'il la gardât de mal et déshonneur. Jeanne était austère dans ses principes et sa manière de vivre. Si elle n'a jamais paru désapprouver les cruautés commises par son farouche lieutenant Mont- gonmery, il ne faut pas oublier à quel point les pas- sions religieuses, mêlées aux passions politiques, étaient surexcitées en Béarn, au xvi*^ siècle. L'adversaire de MŒURS BEARNAISES SOUS LES ROIS. 237 Montgonmery, Montluc, n'ctait pas tendre, lui non plus. Qi-iant au mariage secret de Jeanne avec M. de Goyon, les ministres protestants les plus éclairés qu'elle avait consultés avaient répondu, en 1571, que cette union devait être régularisée. Mais, au moment où Jeanne s'occupait du mariage de son fils, elle ne pou- vait s'occuper du sien elle mourut en 1572, et le comte de Goyon périt pendant la Saint-Barthélémy. La reine Margot avait été élevée dans une cour où la vertu ne brillait pas. Ses aventures galantes ont été nombreuses ; mais, de son temps et de nos jours, on lui en a prêté beaucoup. Oiielle imagination que celle de certains romanciers ! Qui pourrait, par exemple, croire à cette historiette de Tallemant des Réaux Elle pendait tous les soirs à un crochet, qui fermait à cadenas, derrière le dossier de son lit, un grand vertugadin qui avait des pochettes tout autour, en chacune desquelles elle mettait une boëte où était le cœur d'un de ses amants trépassés; -car elle était soigneuse à mesure qu'ils mouraient d'en faire embaumer le cœur. » Une librairie pornographique de Bruxelles a fait réim- primer le Divorce salyriqiie. On ne doit pas s'arrêter à des accusations d'une grossièreté repoussante. Marguerite reprochait à son mari de sentir l'ail ; mais Henri avait été élevé parmi les paysans de Coar- raze. Et, sans atténuer ce qu'il y a eu de scandaleux, au point de vue moral, dans les amours du vert-galant, il faut bien reconnaître que la galanterie du bon Henri 238 LA SOCIÉTÉ ET LES MŒURS EN BÉARN. a contribué, tout autant que ses victoires, à sa popu- larité. Les rois de ce temps -là pouvaient donner de mau- vais exemples ; mais, il fliut bien le dire, on les imitait beaucoup plus que l'on ne s'en scandalisait. LIVRE TROISIÈME LA SOCIÉTÉ BÉARNAISE SOUS L'ANCIEN RÉGIME CHAPITRIi PREMIER LA COUR A B A N D O X \ H P A U Epanoiiissi'iih'iit de J'i'spn'l hcaniais. — Lutte contre le roi. — Que- relles religieuses pamphlets et satires. — Les queues de renard. — Voyacre héroïque de Bordeaux à Pau. — Conversion générale des huguenots de Pau. E départ de Catherine de Navarre fut une révolution pour Pau déshérité de son titre de capitale. Subitement, tout changea d'aspect. Le salon du château n'a- vait pas de rival il dominait, il dirigeait, il absorbait tous les autres. Dès qu'il fut fermé, plusieurs autres s'ouvrirent. La société, 240 LA SOCIÉTÉ ET LES MŒURS EN BEARN. une jusque-là, s'éparpilla, se divisa en plusieurs petites sociétés ou coteries. L'autorité royale n'avait pas de contradicteurs ; elle faisait taire toutes les petites riva- lités de famille ou d'influence qui surgirent aussitôt avec une violence d'autant plus grande que le feu des querelles religieuses se ranima tout à coup. Mais rien de violent ne dure^ en Béarn et à Pau sur- tout. L'esprit français avait envahi la cour de Marguerite, importé en Béarn des idées et des modes nouvelles. L'ancien régime fut, au contraire, l'ère de l'épanouisse- ment de l'esprit béarnais. Pau, petite ville parlementaire, aristocratique, gar- dant des traditions de courtoisie et d'élégance, était trop loin de Versailles pour trop ressentir l'influence de la cour des rois de France. Pau eut donc sa vie propre, sans beaucoup d'éclat, mais avec un cachet spécial d'originalité et de pittoresque. Sous la reine Jeanne, les huguenots s'étaient empa- rés des biens ecclésiastiques. On en réclama la restitu- tion, dès que la persécution eut cessé. Henri IV cher- cha à calmer les impatiences, à réconcilier les esprits ; Louis XIII voulut parler en maître, et ne fut pas écouté malgré tous les édits et tous les ordres du roi, les huguenots trouvaient que ce qui avait été bon à prendre était bon à garder. La lutte fut ardente entre les cathoHques que sou- tenait le roi de France et les protestants qui avaient pour eux la possession et l' influence des autorités lo- cales. LA COUR ABANDONNE PAU. 24 1 Le Béarn se trouva donc divisé en deux camps, où Ton se battit, heureusement ! à coups d'épigrammes beaucoup plus qu'à coups d'épée. Jamais on ne fit à Pau plus grande dépense d'esprit et de malice. Chaque jour voyait éclore quelque nouveau pamphlet^ auquel succédait une réponse immédiate. A peine le Moine avait-il paru, qu'on voyait paraître V Anti-moine. Les habitants de Pau, en ce temps-là, devaient être fort instruits, car on leur servait autant d'épigrammes en vers grecs et latins qu'en vers français et béarnais. Il yaurait quelque attrait à exhumer ces écrits éphémères qui, après avoir fait un jour beaucoup de bruit, sem- blent tombés dans l'éternel oubli, si l'on pouvait fiire comprendre les traits piquants de l'esprit d'autrefois, sans recourir à des longs commentaires sur des per- sonnes et des faits dont il reste peu de souvenirs. Bor- nons-nous à donner une idée de la poésie de Pau à cette époque. Un des pamphlets, qui lit le plus grand tapage, avait pour titre la Mouche. Un arrêt du 25 avril 161 5 ordonna qu'il serait brûlé par la main du bourreau. Ce fut alors une pluie d'épigrammes. Hn voici une qui parut en français avec sa traduction en béarnais Moiisqiie casti^iulii quoin luil Per goardàa que hissa no ponsqiies, Bc couiiilàii piiloiit qiioiii à Pau Eutciicn à biras las nioiisqiifs. C'est-à-dire 242 LA SOCÉITE ET LES MŒURS EN BEARN. Mouche punie comme il faut A cette fin que rien ne touches, Va-t-en pubHer tout haut Qu'à Pau on chasse bien les mouches. Louis XIII, voyant son autorité méconnue, expédia en Béarn un commissaire cliargé de faire exécuter ses ordres. C'était un conseiller d'Etat, nommé Renard. Les huguenots résolurent de s'en débarrasser, en lui faisant peur sans lui faire de mal. Ils l'accueillirent à coups de fusils chargés à poudre. Ces détonations per- pétuelles étaient désagréables aux oreilles du commis- saire il fut fort effrayé de voir sa maison assiégée par des hommes armés, portant des queues de renard atta- chées à leurs bonnets, et vociférant Au renard ! à la chasse au renard, forçons le renard dans sa tanière ! » L'envoyé du roi se trouva très heureux de pouvoir fuir; on ne demandait pas mieux. Les catholiques répondirent aux huguenots, fiers du succès de leur équipée Béarn, un prudent commissaire, Ne t'a pu réduire au devoir ; Il sera doncque nécessaires Que le roi conquérant t'aille voir. Sa présence qui tant étonne Apprendra la rébellion. Qu'où la peau du renard n'est bonne On y coud celle du lion. En effet, pour pacifier le pays, il fallut que le roi de France s'y rendit avec une petite armée. Un prince qui^ de nos jours, traverserait le grand dé LA COUR ABANDONNF- PAU. 243 sert du Sahara n'obtiendrait pas le quart des éloges que l'on décerna à Louis XIII pour avoir traversé les sables des Landes. Le voyage de Bordeaux à Pau cinq heures à peine de train express, maintenant exigea plusieurs jours de marches pénibles *. L'enthousiasme des historiographes ne connaît pas de bornes pour célé- brer l'héroïsme du jeune monarque passant à travers des routes impraticables et des lieux inaccessibles, via- rum asperitaleSf loca avia et inaccessa, dans l'immensité et la stérilité des déserts, vastilatein, steriliîatemet solitii- dinem, avec le danger de mourir de faim, pahuli et co- mcaliis penuriain. Lorsque Louis XIII eut fiit triompher sa volonté, et que la restitution des biens ecclésiastiques fut opérée, les huguenots se virent vaincus. Ils sentirent la nécessité de se tourner du côté d'où venaient toutes les faveurs. Les questions d'intérêt une fois résolues, les questions de conscience furent promptement tranchées. Il y eut encore quelques querelles théologiques et quelques hommes indomptables dans leurs convictions. Ce fut tout. Ln cherchant à soulever les protestants de Mon- tauban et de la Rochelle, Lescun fut pris les armes à la main, condamné par le parlement de Bordeaux, et exé- cuté. Mais les Béarnais se laissent facilement entramer par le parti le plus fort. Pour plaire i\ la reine Jeanne, ils avaient plus facilement abandonné la foi de leurs pères que les Basques et les Bigorrais. Il ne fiillut pas ' Voir notre relation complète du voyage de Louis XIII, d'après les documcnls contemporains conservés ù la Bibliothèque Maza- rine. — {Mcmorial Jes Pyrénées, iSjy, 244 LA SOCIÉTÉ ET LES MŒURS EN BEARN. plus d'efforts ni de temps pour expulser le calvinisme qu'il n'en avait fallu pour l'introduire. Au bout de quelques années, il ne restait plus à Pau une seule fli- mille protestante. Louis XIII, entrant en conquérant, fut mal reçu dans cette ville où son père n'avait jamais paru qu'en ami et entouré des sympathies populaires. Néan- moins, il ne garda pas rancune à la capitale de ses aïeux, et, avant de la quitter, il la dota de plusieurs institutions utiles et la choisit comme siège du parle- ment de Navarre. I CHAPITRE II LES GOUVERNEURS DU BEARX, VICE-ROIS DE NAVARRE Caumoul La Force. — Mariage âcRoquclaurc. — La Foire el Granioiil épigriiiiiiiies cl coups }\'pi'e. — Coiiiinetil Granionl se débarrasse de sa femme. — Le chevalier de Gramont, son èdiicalion, ses aven- tures. — Le duc de Gramont, vice-roi. — Antoine III de Gra- mont anecdotes et lettres inédites. — Querelles avec le parlement, réconciliation officielle in articulo m rtis. — Antoine IV de Gra- mont, fêtes à son arrivée, cadeaux des Etats de Béarn et des jurais de Pau. Les gouverneurs du pays avaient le droit d'habiter le chf\teau royal ; mais ils étaient trop grands seigneurs pour se résigner à demeurer dans une petite ville comme Pau. La lutte fut souvent très vive entre le gouverneur et le parlement. Caumont de la Force était déjà gouverneur du Béarn lorsque Catherine quitta Pau. Il avait rendu de grands services ;\ Henri IV ; mais ses ennemis étaient puis- sants et il ne sut pas toujours plaire à la cour de Louis XIII. Pourtant, après des disgrâces répétées, se relevant tout à fait, il devint maréchal de France, duc 246 LA SOCIÉTÉ ET LES MŒURS EN BÉARN. et pair. Il a laissé des Mémoires que le marquis de La- grange a publiés ; de plus, les documents historiques sur son compte abondent. Il avait dix-huit ans, lorsqu'il épousa Charlotte de Gontaut^ fille du maréchal de Biron, âgée seulement de quinze ou seize ans. La première nuit de noces^ l'épousée lui fit une telle résistance qu'il jura d'attendre qu'elle le suppliât d'être tout à fait son mari. La jeune femme ne tarda pas, en effet, à se repentir de sa rigueur. Mais comment oserait-elle faire le premier pas ? Elle demanda conseil à une amie, qui lui suggéra de dire à son mari Moussu, donnât de la cibada à la caballe. Cette phrase, rapportée par Tallemant des Réaux, n'étonne pas ; en Béarn, à cette époque, on parlait le béarnais. On raconte que, consulté par deux gentils- hommes qui se disputaient un riche parti, Roquelaure les mit d'accord en gagnant le cœur de la belle et en la prenant pour femme. Mais il ne se hâta pas de la produire à la cour où l'on ne tenait pas précisément école de morale. Henri IV, un jour, lui demandant pourquoi il ne la produisait pas dans le monde, il ré- pondit N*a pas sabattoiis, elle n'a pas de souliers. Le mariage de La Force avec Charlotte de Gontaut fut d'ailleurs des plus heureux ils eurent douze en- fants. Le maréchal de la Force se remaria à quatre- vingt-deux ans, et, devenu veuf une seconde fois, il contracta une troisième union et il se préparait à une quatrième à quatre-vingt-douze ans, lorsque le bruit se répandit que le vieillard épouserait encore deux femmes avant de mourir ; or, parmi les jeunes femmes LH GOUVERNEUR DU BEARN, VICE-ROI DE NAVARRE. 247 que séduisait l'ambition d'avoir un tabouret à la cour, plusieurs auraient brigué l'honneur d'être la dernière, mais aucune n'osa courir le risque d'être l'avant-der- nière. Lorsque la majorité de la population de Pau et du conseil souverain résistait à la restauration du culte catholique, La Force favorisait secrètement les hugue- nots malgré les colères de la cour il suivait le courant. Il avait deux puissants ennemis le comte de Gramont, gouverneur de Rayonne et le marquis de Poyanne, gouverneur de Dax. Dans ses Mémoires il ne flatte pas Antoine II, comte de Gramont; il lui reproche d'avoir épousé les griefs du parti cathoHque et les récriminations de ses enne- mis. La Force, paraît-il, s'était exercé aux courses de taureaux que les rois de Navarre avaient mises à la mode. Un jour, un taureau furieux se jette sur le roi qui allait à lâchasse ; d'un coup d'épée, La Force abat- tit le taureau. Cet acte de courage fit beaucoup de bruit. Gramont, impatienté d'entendre l'éloge de son ennemi, fit le couplet suivant sur un air alors en vogue Le marquis de la Force A tué par sa force, La grand' vaclic ;\ Colas, La, la, déridera. La Force, irrité, s'en fut au devant de Gramont, qu'il rencontra dans l'antichambre du roi Vous êtes poète, lui dit-il, je le suis aussi. J'ai fait un couplet sur le même air que le vôtre 248 LA SOCIÉTÉ ET LES MŒURS EN BÉARN. Des cornes de la vache Je fais faire un panache Pour Gramont que voilà, La, la, déridera. L'injure était sanglante. Malherbe^ raconte, en effet, que le comte de Gramont, gouverneur de Bayonne, ayant trouvé son écuyer Marfissan en quelque action deshonné te avec sa femme, commença par le tuer. Quant à sa femme, fille de Roquelaure, la meilleure opinion est qu'il ne l'a pas tuée. S'il ne l'a pas immédiatement et ostensiblement frappée, il ne l'épargna pas ; il l'a fit entrer, un jour, dans une chambre où le plancher vermoulu céda sous ses pas et la fit tomber dans un trou profond. La chute fut terrible. La malheureuse femme se rompit une cuisse et en mourut. Quelle est la vérité ? J'ai fait rechercher à Bidache ce qui pouvait encore rester de la tradition populaire. La tradition rapporte que Louise de Roquelaure eut une intrigue galante, et que son mari, Antoine de Gramont, ayant acquis la certitude de son infidélité, la fit pour- suivre et juger par la cour de Bidache qui la condamna à mort ^ Mais le roi de France aurait envoyé M. de Gourgues pour arrêter les poursuites. Gramont alla l'attendre au pont de Garruich, sur la Bidouze, limite de la France et de la souveraineté de Bidache, et il lui déclara que s'il se présentait comme investi de quelque autorité, il ne le laisserait pas entrer dans un pays où il * Lettre du i^' avril 1610. 2 Voir Tabbé Haristoy Recherches historiques sur le pays basque, p. 541. LH GOUVERNEUR DU liHARX, VlCi-ROI DH NAVARRE. 249 était le seul souverain ;miis que, s'il se présentait comme ami, il recevrait bon accueil. Gourgues déclara qu'il se contentait du titre d'ami. Quoi qu'il en soit, Gramont eut ensuite d'intermi- nables queielles avec Roquelaure. QjLiant à l'affaire des couplets, un combat singulier devait la vider ; mais, pour empêcher de se battre deux grands seigneurs qu'il aimait^ le roi les fit garder à vue dans leur maison, jusqu'à ce que l'affaire fut arrangée. Elle s'arrangea de la seule manière possible ils se battirent, et la ren- contre eut lieu sans que les exempts qui les surveillaient se fussent aperçus de leur sortie ni de leur rentrée. Parmi les noms historiques de la France, celui de Gramont est un de ceux qui ont jeté le plus d'éclat à la cour des descendants d'Henri IV. Après Antoine II, on ne saurait oublier l'un de ses fils, Philibert, le fa- meux chevalier de Gramont, dont le comte de Hamilton a écrit, sous sa dictée, les mémoires. c On me mit, dit il, au collège de Pau, dans la vue de me faire d'église; mais comme j'avais bien d'autres vues, je n'avais garde d'y profiter. J'avais tellement le jeu dans la tète que le précepteur et les régens perdi- rent leur lalin à me le vouloir apprendre. Le vieux Bri- non qui me servait de valet de chambre et de gouver- neur avait beau me menacer de ma mère, je n'étudiais que quand il me plaisait, c'est-à-dire jamais. » Le frère aîné avait demandé pour lui une abbaye au cardinal Mazarin dont il avait épousé la nièce. Il le fit appeler et lui tint ce langage Or ça notre petit ca- det, il faut opter. \'oyez donc si, tenant à Téglise, vous 250 LA SOCIÈTF ET LES MŒURS EN BFARN. voulez posséder de grands biens et ne rien faire, ou avec une petite légitime, vous faire casser bras ei jambes pour être le fructus helli d'une cour insensible et parvenir sur la fin de vos jours à la dignité de maré- chal de camp avec un œil en verre et une jambe de bois. » Le chevalier n'hésita pas. Il se sentait porté aux guerrières et galantes aventures. Il brilla d'abord sur les champs de bataille; puis, dans un intervalle de paix, il jugea qu'au milieu d'une cour florissante en beautés et abondante en argent, il ne devait s'occuper que du soin de plaire, de faire valoir les avantages que la nature lui avait donnés pour le jeu et de mettre en usage de nou- veaux stratagèmes en amour. » Il fut heureux au jeu et malheureux dans une entreprise amoureuse. Il vit que le grand roi portait son attention sur La Motte- Houdancourt, une des filles d'honneur de la reine, et il voulut être le rival de son maître. Cela lui valut d'être banni de la cour. Retiré à Londres, on le rechercha tout particulièrement à la cour de Saint- James et il y fit la conquête d'Elisabeth Hamilton, l'une des femmes les plus renommées par l'esprit et la beauté. Il lui pro- mit mariage. Rappelé en France, il quitta Londres précipitamment, les frères d'Elisabeth coururent après lui et le rejoignirent à Douvres. Chevalier , lui crient- ils du plus loin qu'ils l'aperçoivent , chevaUer , n'avez-vous rien oublié à Londres ? — Pardonnez- moi, j'ai oublié d'épouser votre sœur. » Il rebrousse chemin avec eux et le mariage se fait. Philibert de Gramont ne garda pas longtemps la lieutenance générale de Béarn. Il la céda cà un de ses LE GOUVERNEUR DU BI-ARX, VîCR-ROI DE NAVARRE. 25 I neveux et revint à la cour qu'il charmait par son esprit, dont il abusait parfois. Le roi riait de ses mots piquants, mais les courtisans les redoutaient. Devenu vieux, le beau chevalier cherchait à se rajeunir. Un jour, Louis XIV demanda son âge, à l'éveque de Senlis^ qui répondit Il ne peut pas cacher son âge; il doit être aussi vieux que moi, nous avons cliidié dans la même classe. » Le roi répéta la conversation Cet évéque, sire, répondit Gramont, n'accuse pas juste, car ni lui, ni moi n'avons jamais étudié. » Antoine III, duc de Gramont, maréchal de France, fut l'epiilé le plus galant seigneur de France et l'ornement de la cour. Il naquit à Hagetmau en 1604 et mourut à Bayonne en 1678. Il a publié des mémoires; son his- toire anecdotique fourmille de curieux détails. Il était d'une exquise distinction. C'est lui qui fut chargé d'al- ler, pour le roi de France, demander la main de l'in- fante Marie-Thérèse. Sa politesse était parHiite ; mais il ne pouvait rester en plein air la tête nue, et lorsqu'il rencontrait une dame dehors, il n'attendait pas qu'elle le priât de remettre son chapeau; il se couvrait aussi- tôt, mais en disant avec une bonne grâce charmante Ah! madame, puisque vous l'ordonnez donc I » Il aimait à parler de ses terres du Béarn où il voulait aller planter tout doucement ses choux. Un jour, dans un salon de Paris, il se mit à suren- chérir sur des gens qui s'amusaient // dire des menterics. Il raconta qu'il avait établi dans une de ses terres un moulin à rasoirs. Les pavsans, en y approchant les joues, avaient la barbe faite en deux tours de roue. 252 LA SOCIETE ET LES MŒURS EN BEARN. Au passage du Rhin, au moment où un officier se disposait à se jeter dans le fleuve, le maréchal de Gra- mont courut à lui le pistolet au poing. Halte-là ! lui dit-il, vous ne passerez pas que vous ne m'ayez payé les 50 louis que vous me devez. — Etes-vous fou, répond l'officier. — Moi! non, réplique Gramont. Je sais que vous n'avez pas peur de mourir; noyé de dettes, c'est peut-être ce qui pourrait vous arriver de plus heureux; mais, quand vous serez mort, sur quoi prendrai-je mes 50 louis ? Payez-moi, vous dis-je, ou vous ne passerez pas. » On a beaucoup écrit, et il reste beaucoup à écrire sur le duc Antoine III de Gramont. Toutes les lettres qu'il a laissées ne sont pas publiées. Il était en corres- pondance avec les plus grands personnages de son temps. M. Tamisey de Larroque a publié des lettres adressées au maréchal par Richelieu, Lamoignon, Bourdaloue, Voiture et Balzac. J'en possède plusieurs écrites de la main d'Antoine III. En voici une tex- tuelle du 2 décembre 1603, adressée à M. le marquis de Poyanne, conseiller de Sa Majesté en son conseil d'Etat et son lieutenant général au gouvernement de Navarre et de Béarn. Monsieur^ jay receu la lettre qu'il vous a plu de m'escrire depuy vostre arrivée à Pau, qui m'a apprins touts les ordres que vous y aves donnes, lesquels ne peuvent estre meilleurs. à l'affaire du parle- ment estant generalle, il semble qu'on ne peust sépa- rer aucun des particuliers qui se sont trouves comprins dans la désobéissance et dans l'orgueil le plus mal LE GOUVERNEUR DU BÉARN, VICE-ROI DE NAVARRE. 23 tonde et de plus accompagne de hi dernière foiblesse dont on ait inmais ouy parler, car enlln il est inouy que des personnes, dont les noms et les usages ne furent iamais cognus exposes aux outrages des moindres pai- sans de Bearn, ayent voulu donner la loy au Roy dans une province ou son autorite est Dieu merci assez establie par moy, je les prens a témoins si je veux mal a pas un d'eux et toute la province sait ce que jay fait trois ans de suitte pour les empescher de tomber dans l'inconvénient où ils sont plongés. Mais ce qu'il y a de plus plaisant est le crédit qu'ils se sont imagi- nes avoir à la cour, car sur ce suiet on peut dire que ceux qui sont dans les petits maisons, et qui y sont enfermés pour croire estre Dieu le père, ne sont pas touches d'une plus grande folie. » J'ai copié exactement l'orthographe du duc qui avait une jolie écriture, mais complètement dépourvue d'ac- cents. Le reste de la lettre est relatif à d'autres affaires, et contient des phrases gracieuses pour M. de Poyanne Sa Majesté n'acceptera pas d'ciuircs expéd l'en l s que ceux qui lui seront proposés par le marquis. Il ajoute ' Cet Antoine IV était rentré d'Espagne où il était ambassadeur en 1705. Il y a de curieuses choses dans sa correspondance avec le roi et les ministres ^ Par i 1 B. 4^8. Archives de Pau. 2 Trois volumes in-folio inédits. LU gouvirxiur DU bkarx, vich-koi du 25 exemple, le 30 septembre 1704, il écrivait au roi que la reine d'Espagne l'avait fait appeler dans son quarto secreto pour jouer de la guitare. M. de Torcy, secrétaire d'Etat, répondit en comparant le grave ambassadeur jouant de la guitare à Orphée jouant de la lyre. Dans une lettre adressée de Madrid au même marquis de Torcy^ le 30 octobre 1704, Gramont écrit Ne pré- tendés-vous pas vous moquer avec vos lyres d'Am- phion et d'Orphée ? Je ne sçais si elles eussent produit un meilleur effet que ma guittare, avec une chaconnc soutenue d'algiinas signidillas espariolas qu'il me fal- lait chanter et qui ne laissèrent pas d'avoir leur mé- rite tant auprès de la reine que de las duerias que esse- ran incanladas y deîan a todos que desde el tieinpo de Pbelipe quarto no havian oydo cosa tal, uy fan Ihida vo^. Si l'abbé d'Estrées revient jamais en Espagne faites lui apprendre à chanter et à jouer de la guittare. Cehi vaudra mieux que le sérieux en el quarto secreto. Pour moy je m'en suis très mal trouvé lorsque je l'ay voulu arborer et j'ay connu, qu'ayant à vivre avec des jeu- nes gens il fallait avoir Tesprit jeune comme eux pour parvenir à leur plaire dans le courant de la vie. Il n'en est pas tout à fait de mesme avec messieurs les grands d'Espagne, aux quels les castagnettes dans la conver- sation ne conviendraient pas, aussi puys-je vous assurer que je ne les mets pas en pratique et que je ne chemine devant eux que la sonde à la main... » M. Communay * cite encore deux lettres inédites I Revue de Gascogne. 256 LA SOCIÉTÉ ET LFS MŒURS EN BÉARN. du duc de Gramont. L'une est écrite de Bayonne à la fille du maréchal de Grancey, surnommée VEspagnole parce qu'elle avait été dame d'atours de Marie-Louise d'Orléans, reine d'Espagne Mon espagnole, vous êtes juste et délicate dans vos expressions; ce que vous dites, lorsqu'il sort de votre bouche est plein de charme et d'agrément, mais, mon espagnole, je suis forcé de vous dire qu'il n'en est pas de même de ce que vous couchez par écrit et qu'il n'y a ange ni démon qui puisse déchiffrer vos pieds de mouches. Je viens de recevoir de vous un fragment de lettre dans celle de madame de Gramont où je n'ai pu démêler si vous parliez de politique, de guerre ou d'amour. Voilà Tem- barras dans le quel vous m'avés jette qui me détermine à prendre la poste pour aller vous demander l'explica- tion de votre lettre et me mettre à portée que vous puissiez toujours me parler et ne m'écrire jamais. » Si le duc de Gramont venait rarement en Béarn, il ne cessait jamais de s'en occuper. Parmi les lettres que je possède, j'en trouve une écrite à Lons, en date du 3 janvier 1758, et adressée aux jurats de Pau pour 1 eur annoncer qu'il ferait le 6 son entrée d'honneur à Pau. Il y eut, paraît-il, quelques désordres à réprimer^ témoin cette pièce Antoine Adrien Charles, comte de Gramont^ Bri- gadier des armées du Roy, commandant en chef dans le Royaume de Navarre, pays de Béarn et généralité d'Auch, Menin de Monseigneur le Dauphin, Vu le procès-verbal par les sieurs Defeschens et Lahitole, jurats de Pau, ordonnons qu'en conséquence LE GOUVERNEUR DU BliARN, VICE-ROI DE NAVARRE. 257 de la résistance faite par les nommés Dufau aîné, Du- boscq cadet, Canet Fougère aîné, d'obéir à l'ordre qui leur a été présenté par Paloque et Poye, soldats du guet, ils seront conduits et détenus dans les prisons de l'hôtel de ville, jusqu'à nouvel ordre. An-c française, t. I, p. j^q. 294 LA SOCIETE ET LES MŒURS EN BEARN. n'avaient pas la même prétention ; mais le moindre en- richi pouvait paraître noble. Le plus humble ouvrier prenait la particule, et cela voulait dire que Jean ou Pierre était de telle maison. L'héritière d'une maison imposait son nom à son mari. En 1669, l'intendant d'Aguesseau fut chargé de rechercher en Béarn les usurpateurs de noblesse. Ce ne fut qu'une panique. Tout s'arrangea moyennant finance. Il paraît que les titres de noblesse se payaient 30 livres, et le nombre des nobles alla toujours gros- sissant. Au xvi siècle, on comptait aux États de Béarn 20 députés de la noblesse; en 1788, on en comp- tait 500. Chose curieuse! chaque fois qu'on a voulu pour- suivre les faux nobles^ on n'a fait qu'en augmenter le nombre. Ainsi, durant le second empire, les gens qui s'étaient parés de noms qui ne leur appartenaient pas, profitèrent du moment où on voulut réprimer les abus de cette nature pour faire régulariser, à l'aide de protections de toute sorte, la fausse position où ils se •trouvaient. Sous l'ancien régime, on pouvait être anobli par l'achat de certaines charges de finance ; on en comptait 4,070 conférant la noblesse. M. de Pontchartrain sur- tout abusa de la création d'offices honorifiques dans le but d'enrichir le Trésor. Il disait au roi Chaque fois que Votre Majesté crée un office, Dieu crée un sot pour l'occuper. » La fortune immobihère, aujourd'hui détrônée par la fortune mobilière, menait droit à l'anoblissement. On LA NOBLHSSl- 15l'; AKXAISI- . 295 n'a plus besoin de réfuter Boulainvilliers et Montes- quieu qui voulaient trouver l'origine de la noblesse dans l'invasion germanique et dans l'inégalité de la race. La vraie origine de la noblesse féodale, c'était la puissance résultant de la richesse foncière, de la pos- session ancienne de la richesse territoriale. Le roturier enrichi acquérait un bien noble; il cher- chait à enter sa famille sur celle des anciens posses- seurs de la terre dont il prenait le nom; il dissimulait le nom obscur des aïeux sous celui d'une seigneurie, grande ou petite. Ces abus remontaient loin et gran- dissaient chaque jour, malgré d'énergiques protesta- tions. Comme il se récrie le seigneur des Accords contre ceux ipii estant yssis de bonnes et honnestes familles changent le nom de leurs pères connue- s' il s dédaignaient de le dire et faire remarquer ; enfants oublieux de leur origine prenoient plaisir par une insigne fausseté de s'élever par dessus leurs ancestres et vouloient par ce moyen fouler aux pieds leur mémoire.. . Ce que Molière résumait ainsi Qiiel abus de quitter le vrai nom de ses pères Pour en vouloir prendre un bâti sur des chimè'res ! Aujourd'hui que l'usurpation des faux noms ne mène plus à rien qu'au ridicule, combien de gens, cependant, s'aflublent de titres auxquels ils n'ont aucun droit! La distinction, si martluée en France, entre la noblesse d'épécet celle dérobe existait aussi en Béarn; mais les gentilhommcs de haute noblesse, comme les Gramont, habitaicni Paris plutôt que la cité béarnaise. 296 LA SOCIÉTÉ ET LES MŒURS EN BÉARN. A Pau, les nobles qui auraient dédaigné de porter la robe étaient peu nombreux. Les douze barons de Béarn, au moyen âge, tenaient en main le glaive de la guerre et celui de la justice. Ils étaient chevaliers, guerriers et juges. Dans une vicomte^ le plus haut titre ne pouvait être que celui de baron. Le titre était attaché à la terre, et la terre pouvait changer de maître. Voici quel était, à la fin du dernier siècle, l'état des possesseurs des douze baronnies Andouins . le duc de Gramont. Navailles. de Mesplès. Arros. . d'Espalungue. Miocens . . de Navailles Poeyferré Lescun . . . de Laur. Gabaston. . . de Faget. Coarraze . , . de Boeilh. Domy. . . de Courrèges. Gayrosse . . . de Laborie. Gerderest . de Noguès. Les deux baronnies de Miramon et de Vidouze avaient été distraites du Béarn au xiv^ siècle. Aux douze grandes baronnies^ quatre petites furent ajoutées Monein . . . comte de Montréal. Lons .... marquis de Lons Mirepeix. . , vicomte de Navailles. Làas. . . . baron de Lataulade. De nos jours, on s'occupe beaucoup d'écrire le nobi- liaire de chaque province. Ces publications ne sont LA NOBLESSE BÉARNAISE. 297 malheureusement trop souvent que des spéculations. LeChesnaic des Bois serait fort étonné de voir l'édition nouvelle de son livre enrichie de tant de généalogies fantaisistes. De tout temps, il y a eu des généalogistes complaisants moyennant salaire. Saint-Paul a dit Genealogias devita, siint enim inutiles et varice; et Cha- teaubriand On compte ses aïeux quand on ne compte plus. Parmi les généalogies anciennes des familles de Béarn, plusieurs excitèrent le sourire des contempo- rains. Tallemant des lléauxdit, en parlant des Gassion Ils font des efforts pour fiiire passer leur maison pour une maison d'ancienne noblesse, et se font une généa- logie telle qu'il leur plaist. » Lorsque le frère du maré- chal de Gassion obtint, par lettres patentes de février 1661, l'érection en marquisat de la terre de Camou, il arrangea sa généalogie. Je ne sais quels noms il y ajouta; mais je connais ceux qu'il en a retranchés, notamment celui d'un oncle Jacob, médecin. 0\\ est allé récemment jusqu'à nier l'existence de ce Gassion, médecin; mais je possède imprimés des vers fiiits par lui et contre lui. Un de ses autographes existe aux archives de Pau; c'est une quittance, datée du 4 juin 1623, d'une somme de 3 livres, 4 sols, 6 deniers pour avoir fait, par ordre du parlement, la visite corporelle de trois sorcières, afin de rechercher si elles n'a- vaient pas sur elles quelque signe annonçant le contact du démon. Les Gassion étaient dévoués aux rois, mais ils appar- 298 LA SOCIÉTÉ ET LES MŒURS EN BÉARN. tenaient à une famille pauvre, originaire d'Oloron. Jean de Gassion fut élevé aux frais de Jeanne d'Albret et le père du maréchal aux frais d'Henri IV. Le maréchal disait à M""^ de Motteville que, lorsqu'il quitta Pau, il n'emporta que 30 sols dans sa poche, et que, pour économiser ses souliers, il les portait au bout d'un bâton. On raconte qu'en partant pour la campagne, de Savoie, son père lui donna pour tous chevaux un vieux courtaut qui pouvait bien avoir trente ans et qui ne put aller plus loin qu'à quatre ou cinq lieues de Pau. Il fallait être bien pauvre gentilhomme pour savoir marcher pieds nus, et n'avoir pas un cheval pour faire un long voyage. Le maréchal fut tué le 15 septembre 1647. Il laissa à sa famille 900,000 livres vaillant ; et son frère Bergeret mourut peu de temps après. Aussi disait-on qu'en voyant arriver si vite dans l'autre monde celui qui, dans celui- ci, venait toujours après lui, le maréchal avait dû s'é- crier 4 LA SOCIÉTÉ ET LES MŒURS EN BEARN. celui des autres ; si elle en a beaucoup, elle en commu- nique à ceux qui en ont peu. La présence d'une femme de haute compagnie dégage une atmosphère de poli- tesse et de bon ton qui agit sur tous les hommes comme il faut. Parmi les jeunes Béarnaises, on en trouve peu qui soient parfaitement belles ; on en trouve moins encore qui soient complètement laides. Elles ont, en général, quelque chose d'agréable et de piquant. Dans le monde aristocratique il régnait un ton particulier de politesse. On y trouvait bien parfois une teinte d'orgueil et de fatuité, mais on n'y admettait jamais rien qui sentit la trivialité et le pédantisme. L'art de plaire dans la société s'enseignait à toutes les grandes dames. L'esprit de salon est, en effet, un esprit à part que donne seul l'usage du monde. Il brille surtout par l'exquise délicatesse de l'expression, par la mobihté de l'imagination, par la finesse du sen- timent, la soudaineté, l'a propos et l'imprévu. Les Béarnais avaient de la grâce et du trait. La pu- reté de l'accent et du langage était chez eux une marque de distinction et de noblesse ; car les gens du peuple avaient conservé l'idiome local, l'accent du terroir; ils pensaient en béarnais, et, quand il leur arrivait de se traduire en français, ils étonnaient par des tournures de phrases et des expressions inconnues à Vaugelas. Les traditions de la cour de Navarre avaient été trop profondes pour ne pas laisser de traces dans le monde élégant. Mais, après le départ de Catherine, on parla moins des affaires étrangères que de celles du pays. Les SALONS DI- 1>AU. }2^ sujets les plus futiles étaient souvent ceux qui passion- naient le plus. L'épigramme se répandait plus vite que le madrigal. Mais c'est un mauvais métier que celui de médire. Un madrigal, une chansonnette s'avouait facilement et va- lait bien des sourires dans les salons. Le gazetier vivant qui récoltait le plus de nouvelles du Parlement et du pays et qui savait les raconter d'une manière spirituelle était fort recherché. Au conteur habile, le causeur ai- mable était souvent préféré. Je voudrais en quelques coups de pinceau faire le por- trait des nobles dames de Pau sous l'ancien régime. Ce n'est pas, d'ailleurs, une galerie de tableaux, mais des esquisses d'après des documents épars, échappés à l'histoire, conservés dans des papiers de flimilles, et notamment dans un livre du baron de Laussat la Sociélc béarnaise dit dernier siècle. Voici d'abord la marquise de Lons. Elle a plus de cent mille livres de rente. Elle tenait maison ouverte et recevait le meilleur monde. Brune, d'une beauté piquante, elle cherchait à plaire, et les mauvaises langues disaient qu'elle y avait trop bien réussi. On l'accusait d'avoir fait la conquête de M. de Faget de Pomps, qui passait pour le gentilhomme le plus ac- compli. Augustine de Lons avait les plus exquises qualités de l'esprit et du cœur; elle aurait eu les moyens de plaire, mais elle n'en avait pas le désir. Elle repoussa tous les prétendants, et ne se maria pas. Deux filles du marquis de Lons furent mariées, l'une 326 LA SOCIÉTÉ ET LES MŒURS EN BÉARN. à M. de Camou Blachon, l'autre à M. de Borda. Elles méritèrent des éloges sans réserves. Au commencement delà Restauration, la douairière de Lons laissa à Pau le souvenir de la vieille crrâce béarnaise de l'ancien régime. La maison de Gassion fut longtemps l'une des prin- cipales de la ville. Le maréchal Jean de Gassion fut brave comme Henri IV, mais il n'aspira jamais à être un vert galant ; il avait pour le beau sexe une antipathie profonde, inouiC;, inexplicable. On dit qu'il était laid et que sa laideur lui avait fait prendre en haine la beauté. D'après des portraits de famille, il avait un air intelligent et martial qui plaisait. Son histoire nous apprend qu'il aurait pu faire des con- quêtes s'il eût voulu. Sa renommée de héros était grande. Compagnon de gloire du roi de Suède Gustave Adolphe, il devint maréchal de France très jeune. Le cardinal Mazarin, sachant son étrange aversion pour le mariage, essaya de la vaincre sans pouvoir y parvenir. Gassion disait qu'il estimait trop peu la vie pour en faire part à qui que ce fût. Quant à la beauté, il répé- tait que la beauté d'un cheval lui plaisait plus que celle d'une femme. Cette réputation d' anti-galanterie et d'in- sensibilité pour l'amour fut un motif pour qu'on lui fît des avances. Moins il faisait de frais pour les jolies femmes, plus celles-ci en firent pour lui. Devenir maré- chale et prendre d'assaut un cœur déclaré invulnérable,, cela valait la peine de quelques vives tentatives. Les plus ravissantes bouches avec les plus séduisants sou- rires murmuraient sans cesse les plus doux propos aux LES SALONS DE PAU. 327 oreilles du jeune maréchal, il restait inflexible, et les instances redoublaient Oh ! monsieur, vous avez fait vraiment les plus belles choses du monde ! » Le jeune héros ne répondait pas et n'avait pas l'air de com- prendre le but de ces éloges. Une noble et ravissante jeune fille, voulant un jour le pousser à bout, dit très clairement Je voudrais bien avoir un mari comme M. de Gassion. — Je le crois bien, mordioux! » répondit celui-ci^ et il lui tourna brusquement le dos. Une dame, indignée d'entendre que le maréchal disait Femme et vache, c'est tout un pour moi, mor- dioux ! — répondit avec malice Bœuf et Gassion, c'est tout un ». Gassion n'avait pas obtenu sans difficulté le bâton à cayse de sa naissance. Il avait de nobles et illustres concurrents, notamment Turenne. Il lutta contre lui, et l'emporta; il disait M. de Turenne honorerait cette charge et, si on me l'accorde, j'en serai honoré ». La nouvelle de sa promotion à la dignité de maréchal fut un événement à Pau. Sa mère occupait un rang modeste. Toute la haute noblesse s'empressa d'aller lui offrir des hommages, auxquelles elle n'avait pas été accoutumée. Chaque fois qu'elle recevait un personnage ou une grande dame, elle allait faire la révérence devant le portrait du maréchal en disant Mon fils, c'est à vous que je dois l'honneur de cette visite ». Cette anec- dote n'est pas puisée à des sources très sûres ; mais ce que l'on sait du caractère de M'"' de Gassion la rend fort vraisemblable. Hlle était bonne et avait de l'esprit, 328 LA SOCIÉTÉ ET LES MŒURS EN BÉARN. mais surtout de cet esprit goguenard, un peu trop de mode à Pau. Tallemant des Réaux rapporte qu'un jour elle ren- contra une femme qui boitait des deux côtés Holà ! lui dit-elle^ ma commère, vous qui allez de côté et d'autre — et cela disant, elle la contrefaisait — don- nez-moi des nouvelles ». — La boiteuse répondit C'est vous qui devriez m'en donner, puisque vous portez le paquet ». La boîte du facteur n'était pas encore inventée, et le sac aux lettres se portait sur le dos. La gloire du Maréchal, mort sans postérité, profita à ses neveux. Les aînés devinrent marquis et présidents à mortier ; les cadets acquirent de hauts grades dans l'armée. Enfin de riches alliances attirèrent dans cette maison la fortune et l'éclat. La marquise de Gassion, dont Renaud d'Elissagaray fut le page, avait un grand train en son château d'Ar- bus et en son hôtel de Pau. Les Béarnais, fidèles au vieil usage national de ne donner le titre de Madame qu'à la femme de leur seigneur, hésitèrent longtemps à le donner, comme cela se pratiquait ailleurs, aux grandes dames. Ils commencèrent par appeler la mar- quise de Gassion Madametie. La fortune des Gassion alla toujours grossissant. D'après Tallemant des Réaux, un président de Gassion s'était brouillé avec sa mère pour une rente de 4 livres, et il possédait 800,000 livres de biens. L'horreur que le Maréchal manifestait pour les femmes ne fut pas héréditaire dans la fiimille. Si les LES SALONS DE PAU. 329 premiers Gassion furent des savants ou dos braves, les derniers furent surtout des hommes aimables. Je retrouve dans mes papiers une lettre du marquis de Gassion à la marquise de Poyanne, sa sœur. Elle est datée de Bagnères-de-J3igorre, le 3 octobre I7>2. Le marquis annonce d'abord à sa sœur que sa femme est attendue, puis il ajoute Je profite, pour vous écrire, du plus aimable courrier du monde^ Madame de Jonca. Tout le monde veut que j'en sois amoureux, et cela du premier jour que nous nous sommes vus à la fon- taine. On me l'a tant dit, que je commence à me le per- suader. Dieu veuille que je le lui aie persuadé aussi. Mais elle s'en va... Je lui ai donné un bal, mais mon fils a dansé à ma place. C'est là le sort des pères qui ont de grands enfants. On dit aussi que mon fils était un peu plus amoureux que moi. Je crois même qu'il a été un peu jaloux » Si la correspondance intime et secrète de Messieurs du Parlement pouvait être retrou- vée, elle offrirait des pages spirituelles et charmantes à l'histoire de la galanterie béarnaise. Les archives de Pau contiennent une correspondance de Daniel de Tristan, curé de Gan, qui avait été secré- taire du cardinal Dubois. Je n'y ai pas trouvé ce que je cherchais. Il ne dit rien du cardinal et parle peu de la société de Pau. Il se montre très obligeant, très disposé à faire des cadeaux aux personnages qui peuvent le ser- vir; il a dépensé des sommes fabuleuses en présents de jambons et de cuisses d'oie, et aussi en présents de bon tabac il en expédie à un de ses amis comme étrennes à Monsieur son nc;^. On s'adressait à lui pour 330 LA SOCIÉTÉ ET LES MŒURS EN BÉARN. avoir du tabac d'excellente qualité. Le 12 janvier 173 1, l'évêque de Lescar lui écrit x 11 n'y a que le tabac d'Espagne qui me tient à cœur. Nous en avons de si mauvais ici que je ne puis en prendre et je souhaiterais fort que le directeur de Paris pût m'en avoir, à quelque prix qu'il coûte ; du vieux havane bien noir, qui fût moelleux sous les doigts serait fort de rnon goût ». Au commencement du xviii* siècle, un jésuite, le P. Buffier, disait que tout ecclésiastique, magistrat ou homme du monde qui s'avisait de priser était montré au doigt comme des gens sans pudeur ou livrés au li- bertinage. Fumer, ajoute-t-il, était le comble de l'éva- poration et du ridicule, ce n'était permis qu'aux marins et aux grenadiers. » L'extravagante guerre faite au tabac et au café finit vite à Pau. Le béarnais Hourcastremé * raconte que ^nie jg *** ^^ gg contentait pas de priser, qu'elle ava- lait six tasses de café et fumait dix pipes par jour. Les élégantes marquises ne firent sans doute pas grand usage de la pipe, mais elles ne dédaignèrent pas de prendre le café dans une tasse de Sèvres, ni de priser au tabac dans une coquette boîte d'or ornée de quel- que ravissante miniature et encadrée de perles ou de brillants. Un intendant, qui n'aimait pas le procureur général M. de Cazaux, l'accusa de ne venir au palais que pour troubler le service en allant de chambre en chambre dis- traire les juges par des discours frivoles et en leur of- ' Œuvres, t. I, p. 78. LES SALONS DH PAU. 33 I franl du tabac. Ce tabac provenait sans doute de l'abbé de Tristan, car ce procureur général était un de ses amis. Il lui écrivait en 1729 qu'il allait s'abinicr dans les horreurs de l'instruction d'un procès, chose capable de le faire mourir d'ennui. M. de Cazaux figure mieux parmi les hommes du monde remarquables par l'amabilité et l'esprit que parmi les grands magistrats dont le savoir fut l'honneur du Parlement. Entre temps, M. de Cazaux recommandait à l'abbé de Tristan de mettre les lettres qu'il lui écrivait sous r enveloppe de quelque ministère^ non pour épargner le port, mais parce que cela donne un air d'importance qui quelque- fois nest pas trop indiférent. La première présidente de Courbons ne savait pas modérer sa langue. Sa parole toujours abondante était tantôt piquante jusqu'à la malice, tantôt caressante jusqu'à la flagornerie. Elle eut avec son mari des que- relles bruyantes qui finirent par une réconciliation sincère. Devenue veuve, la marquise de Courbons con- tinua à tenir maison, quoiqu'elle n'eût que 14,000 livres de rente. Ses intempérances de langage ne rendirent son salon que plus amusant. Elle avait deux filles. L'aînée épousa le président de Mcsplès d'Esquinle. Sans être jolie, elle était très bien faite ; et, sans avoir beaucoup de jugement, elle avait beaucoup d'esprit. Elle voulut tout diriger, et elle avait besoin de direc- tion. Elle avait la manie de se mêler de tout et n'aurait dû se mêler de rien. Son caractère était pkis propre à tout gâter qu'à raccommoder les choses. Sa fille, la présidente de \'erthamoii, mourut sans postérité 332 LA SOCIÉTÉ ET LES MŒURS EN BÉARN. laissant pour héritière sa cousine germaine M""^ de Gramont-Caulet. La seconde fille de la marquise de Courbons^ M"'^ de Gaubert, grande et bien faite, n'était pas, d'après M. de Laussat, ingrate envers la nature de tout ce qu'on peut faire de ses dons. La famille de Mesplès joua un grand rôle dans la so- ciété béarnaise. Dominique de Mesplès, ayant perdu sa femme, entra dans les ordres et devint évoque de Lescar. Son fils et son petit-fils furent successivement présidents au Parlement. L'un des derniers barons de Mesplès, capitaine de dragons, fit assez de folies pour être enfermé à Charen- ton, et il eut assez d'esprit pour s'en échapper. Sa violence de caractère était telle qu'un jour, il cassa la tête d'un coup de pistolet à un postillon qui, le con- duisant^ lui avait, disait-il, manqué de respect. Sa plus grande folie fut sa passion pour M""^ de Labaudauge, veuve, mère de cinq enfants, et ayant passé la quaran- taine. Son amour brisa tous les obstacles pour arriver au mariage, mais s'éteignit tout à coup dès qu'il eût touché le but. Le souvenir delà rare beauté de la dernière baronne de Mesplès vit encore. Jetons un voile sur sa vie. Cette famille est éteinte comme celle de Livron. M""^ de Livron, sœur du marquis de la Case, pre- mier président, était petite, mais très jolie. On ne lui reprochait pas de ne point faire des frais pour plaire, mais d'en fiiire souvent trop. C'est un défaut assez rare chez les jeunes femmes dont la conduite échappe à LhS SALONS DK FAU. 333 toute critique. M""" de fut admise à l'honneur d'une présentation à la cour. Elle avait une fortune énorme, et faisait les charmes de la société de Pau. Le chevalier de Livron, qui avait servi dans les guerres du roi Stanislas en Lorraine, brillait à Pau et devint fort épris de M"'*^ de Breteuil, qui passa une année chez le premier président de la Case. Le cheva- lier suivit à Paris M'"^ de Breteuil dont il reçut agréa- blement le congé. Cet adverbe n'est pas de moi, et je ne me charge pas de l'expliquer. J'ai vu dans mon enfimce le baron de Boyrie, pres- que centenaire dans son hôtel aujourd'hui reconstruit '. Je vois encore les vieilles tentures de soie aux vives couleurs représentant diverses scènes de la vie des Chinois. Je n'aurais certes pas pris le baron Je Boyrie, dont le frère avait épousé une Livron, pour le type de l'an- cien gentilhomme de Pau. Sa voix féminine, flûtée, son visage imberbe, son intelligence bornée l'exposaient aux railleries de sa famille où l'esprit abondait. Le baron aimait le monde et s'y montrait beau joueur. Sa mère, fille d'un avocat distingué, M. de Lafargue, avait laissé une réputation de joueuse. Un jour, qu'elle était tombée en syncope, on cherchait vainement à la faire revenir. Tout d'un coup, le médecin s'écrie duinte et quatorze ! » La malade se redresse aussitôt et réplique Avez-vous le point, docteur ? » Une des sœurs du baron épousa W. de Ségure ' Rue du Lyccc, n ii. 334 LA SOCIÉTÉ ET LES MŒURS EN BEARN. dont le fils, un brave colonel, a épousé la dernière des Boyrie, mère de la marquise actuelle de Nolivos. M""^ de Ségure, mère du colonel, avait brillé dans les salons de l'ancien régime par sa beauté, son esprit et ses manières. Même parvenue à un âge très avancé, elle avait conservé un charme extrême dans sa physio- nomie. Ses yeux qui avaient été très admirés, étaient restés caressants et d'une douceur exquise. Les Nolivos, attachés jadis au service des rois de Navarre, brillèrent à la cour de Henri IV et au Parlement. Ce fut un mar- quis de Nolivos qui épousa l'héritière du baron d'Holbach. J'ai vu s'éteindre les marquis d'Esquille, présidents à mortier de père en fils pendant toute la durée du Parlement. Longtemps, ils eurent plus d'honneurs que de richesses, mais un d'Esquille épousa M'^^ de Lezons,. qui lui apporta 400,000 écus de dot. La jeune marquise, admirablement élevée par une femme supérieure, M"'^ de Sorberio, fille du marquis d'Ossun, avait de l'instruction sans pédanterie, beau- coup d'esprit et autant de bonté. Son fils, le président d'Esquille, se maria deux fois, sa seconde femme était très jolie. J'ai connu le dernier descendant de cette noble race. C'était un très bel homme, la loyauté personnifiée. Un jour, je lui expri- mai mon regret de voir son nom s'éteindre. Il me ré- pondit /w/r6'que la langue espagnole est trop fasi lieuse, l'italienne trop lascive, la française trop molle et si pauvre que sans les viols mendiés à la noire elle ne serait — je copie — jn* Il ne poêle sans queue, un mignon sans maîtresse, lin marchand sans cabale, un orfèvre sans or, une doublure sans dessus, un enfant sans nourrice, une femme sans mari, une vigne sans èchalas, une plume sans être taillée. Les auteurs ont prétendu que les langues des diffé- rent^ peuples ne sont qu'une sorte d'imitation des cris des animaux qui fréquentent leur pays. Bernardin de Saint-Pierre remarquait que la langue des Anglais sifflait comme celle des oiseaux qui se trouvent sur le 348 LA SOCIÉTÉ ET LES MŒURS EN BÉaRN. rivage de leur île_, que celle des Hollandais a quelque chose du coassement des grenouilles dont leurs marais abondent, que le hottentot glousse comme l'autruche, et^ pour ce qui est du patagon, il semble imiter la mer dans ses mugissements. Le béarnais n'avait-il pas quelque chose du chant des rossignols jadis si nombreux dans les bosquets des bords du Gave ! Il y avait dans l'accent béarnais quel- que chose de mélodieux qui allait très mal avec le fran- çais, mais qui était en harmonie avec les mœurs locales. Le béarnais rivalise de douceur avec l'italien; il se prête merveilleusement au chant et, comme il brille surtout par le pittoresque, l'expression, il perd beau- coup à être traduit. Dans mon Essai sur la langue et la littérature du Béarn, j'ai montré que le béarnais, dialecte de la langue romane, offrait dans nos contrées des variantes à l'in- fini. La diversité de ces nuances, dans l'accent et dans l'expression, est sensible d'un canton à l'autre ; on ne parle pas dans la plaine comme à la montagne^ au vil- lage comme à Pau où l'on avait la prétention de par- ler le plus doux^ le plus pur béarnais. Aujourd'hui on ne sait guère lire le béarnais, et qu'a-t-on à lire ? Les monuments écrits de l'idiome national ne remon- tent pas bien haut^ excepté les fors et quelques chartes. Parmi les petits poèmes regardés comme de petits chefs-d'oeuvre, on discute souvent pour savoir si l'idée appartient à l'auteur qui l'a revêtue de toute la grâce de l'idiome natal, ou bien si ce n'est qu'une simple imi- tation. LA LANGUK BliARXAISH. 349 Ainsi le chnnt si gracieux, si renommé de Gas- ton Phébus aquères moitntagnes^ exprime, d'après plu- sieurs savants, une idée que l'on retrouve dans un chant populaire de la Grèce moderne et dans une vieille chanson de la Corrèze. Le plus fameux sonnet écrit en béarnais serait imité d'une pièce du cardinal Bembo. Sous l'ancien régime, dans les salons où l'esprit re- cevait bon accueil, des hommes du monde qui auraient reculé devant un travail sérieux, aimaient à composer une chansonnette ou une épigramme chansonnette ou épigramme plaisait d'autant plus qu'elle avait une saveur de terroir. Parmi les poètes de cette époque, plusieurs noms brillèrent Gassion , Fondeville, d'Espourrin, Théo- phile de Bordeu, Cazalet, Hourcastrémé, Cazaux, l'abbé de Puyo, Bonnccase et Bitaubé. Une des plus charmantes pièces qui ont été publiées, est connue sous le nom de Sonnet de Gassion. J'ai démontré ailleurs* qu'il y a eu tant de Gassion, poètes qu'il est bien difficile de savoir lequel fut l'au- teur du sonnet. Henri de Fondeville, de Lcscar, né en 1633 et mort en 1705, occupe un des premiers rangs parmi les écri- vains béarnais. Un juge compétent du dernier siècle disait de lui Il était vraiment poète et le seul à verve que nous ayons eu ». 0\\ a imprimé de lui en 1767 ^ Revue d\\ qui ta. ne ^ 1862, p. ir2. 350 LA SOCIETE ET LES MŒURS EN BEARN. la PasloiiraJe du Paysàa et, en 1880, Calvinisme en Bèarn, divisât en sept eclogues\ Ronsard, persuadé que les richesses de la langue grecque provenaient de la fusion des dialectes des di- verses républiques helléniques, avait imaginé un sin- gulier art poétique Tu sauras, dit-il, dextrement choisir et approprier à ton œuvre les vocables les plus signiticatlfs des dialectes de notre France, quand ceux de ta nation ne seront pas assez propres ni signifiants. Ne se £iut soucier s'ils sont Gascons, Poitevins, Nor- mans, Lyonnais, ou d'un autre pays, pourvu qu'ils Aux Bohèmes , i 10 s, Aux valets et aux servantes o 6 s. Un relevé pour le pourteur ,0 3 s. 31 Arresté par moy, pour la somme de trente et une livres, 7 sols, 6 deniers, ;\ Toulouse, le 7 mai 1669. Dr. Marca. Comment le caliicr tenu à Pau avec un ^rand désor- dre avait-il suivi l'archevêque à Toulouse ? Le prix de la volaille avait doublé du temps de mon enfance une paire de poulets coûtait i6 sous. Aujourd'hui, combien se payerait-il, le beau chapon tout lardé qui coûtait 14 sols à Marca ? CHAPITRE XIII DIVERTISSEMENTS POPULAIRES Les hais masqués au château. — Les clercs de la Basoche. — L'asouade. — Plaisirs du dimanche. — Promenades . — La fontaine aux cent écus. — L'exécution du carnaval à Bianos. Les divertissements varient selon les temps., les âges, les conditions. Les nobles béarnais avaient avec le peuple des habi- tudes de familiarité qui, ailleurs, auraient fort étonné. La ville capitale était si petite que, dans les grandes occasions, le désir de s'amuser abaissait toutes les bar- rières tout le monde voulait participer à la fête. Le roi permettait l'usage des grands appartements du château pour les bals d'hiver. Ces bals masqués étaient fort suivis. Les conseillers du Parlement, les avocats et jus- qu'aux clercs de Bazoche en faisaient alternativement les frais. Les clercs de la Bazoche étaient fort aimés du peuple qu'ils amusaient de leurs folies *. » ' Dugenne. — de Pau. DIV] POPULAIKHS. 367 Dans une pièce du dernier siècle, je lis que le corps des procureurs était composé de très houuêtes gens. Il soldait ce que les clercs de la Bazoche dépensaient. Il riait de leur divertissements, même quand ils s'amusaient aux dé- pens des procureurs, pourvu que ceux de Pau fussent respectés. Un jour, quelle joie dans la ville! que de bruit et d'éclats de rire I Tout le monde riait, excepté celui qui était l'objet de la risée générale. C'était un procureur de la sénéchaussée de Morlaàs qu'on promenait dans les rues, assis à rebours sur un âne dont il tenait la queue en guise de bride. Son cortège burlesque était composé de clercs de la Bazoche, et précédé d'une musique charivarique de cornes, de chaudrons, de clefs forées, et autres instruments discordants. A cette musique infernale s'entremêlaient des chants patois composés pour la circonstance et fort épicés de gri- voiseries. Qli 'avait-il fait ce procureur pour mériter ainsi le supplice de Vasoiiade 1 Le peuple aimait à s'amuser bruyamment ; il ne comprenait pas que le gros rire fût de mauvais ton et qu'il y eût du plaisir à se gêner par respect pour l'éti- quette. Lorsque le vin de Juran*;on échauffait un peu les tètes et qu'un feu roulant d'épigrammes finissait par une querelle, il ne fallait pas dégainer ; le Jurançon, qui avait fait tout le mal, suflisait à tout réparer on buvait ensemble et la réconciliation était scellée. Ce n'était pas tous les jours fètcs. Les Béarnais n'é- taient pas riches; ils avaient besoin de travailler. Mais 368 LA SOCIÉTÉ ET LES MŒURS EN BÉaRN. aussi, quand venait le dimanche^ quel bonheur de se reposer tout le jour. Saint-Martin était la seule paroisse de la ville. On allait à grand'messe et aux vêpres. C'était une occa- sion de se rencontrer, de faire exhibition de toilettes et d'organiser quelques parties pour la soirée. Les jours de grand' fête s'appelaient hestes en naii, parce qu'on s'habillait de neuf ces jours-là. L'église était vraiment le lieu de l'égalité un pre- mier président, s'approchant de la sainte table, vit le bourreau qui, par respect, s'éloignait de lui ; le prési- dent exigea qu'il restât à son côté, disant Devant Dieu, nous sommes tous frères ! » Chaque quartier delà ville, parfois chaque rue, avait des usages à part et ne formait qu'une seule famille. Le titre de voisin ressemblait à celui de parent. Les voisins se rendaient des services réciproques ; ils se réunissaient par le beau temps devant la porte, dans la rue et les femmes y faisaient de belles parties de loto; j les hommes allaient au jeu de paume ou au jeu de quilles. Les bals champêtres étaient fort en vogue, et le noble, sans crainte de déroger, y dansait volon- tiers avec une jolie fille. On se promenait à la place Royale ornée d'une belle statue; au quinconce de la Haute-Plante, sous des arbres superbes ; à la Basse-Plante, fière de sa magni- fique allée de maronniers ; au parc de Henri IV qui, par la beauté et la variété de son site, sera toujoui's une des plus jolies promenades du monde. Les jeunes gens aimaient à gravir les coteaux, à y DIVERTISSEMENTS POPULAIRES. 369 boire du vin sous des treilles. Plusieurs fontaines renom- mées des environs attiraient aussi les promeneurs. C'é- taient la fontaine des Fées, celle des Marnières, celle de Trespoey, celle des Cent-écus ». Au pied du parc, enfouie sous d'épais ombrages, coulait une fontaine. Un soir, en y venant puiser de l'eau, une jeune fille^ assise sur le gazon, pleurait en racontant à son amie ses chagrins d'amour le jeune homme qu'elle aimait ne pouvait obtenir le consente- ment de son père, qui refusait de recevoir en sa maison toute fille qui n'apporterait pas au n'oins une dot de cent écus. Et la jeune fille ne savait où trouver cette dot; elle demandait si quelque bonne fée ne pourrait venir à son secours. Mais où découvrir une fée ? Le lendemain, la jeune fille revint à la fontaine. Elle avait cherché toute la nuit sans dormir les moyens d'avoir une dot et n'était pas plus avancée. O surprise ! Elle aperçoit une bourse \wec cette étiquette .]iie phraseuse et ecrivassière, on a entassé lin tas prodii^icux de papiers qui ne sont pas classes, ni cataloj»ués. 392 LA SOCIETE ET LES MŒURS EN BÉAKN. nées par l'éducation et l'expérience des affaires. La basse classe pouvait avoir de la bravoure sur les champs de bataille, de l'élan, du patriotisme; mais le talent naturel ne peut se passer d'instruction. Les sans-culottes remplaçant les aristocrates ne cher- chèrent point à imiter leurs bonnes façons ni leurs élégances ; ils affectèrent, au contraire, une grossièreté de langage et de forme, heureusement passées de mode. Le peuple parlait béarnais plus que français. Les ad- ministrateurs improvisés, élus dans la dernière classe, furent obligés de parler français et s'imaginèrent tout savoir sans avoir rien appris. Aussi ne devra-t-on pas s'étonner de ce que les orateurs des clubs eussent à Pau une éloquence peu française. Ce n'était pas, non plus, dans les écrits du temps, le style de Messieurs de l'Académie béarnaise. Voici un exemple inédit tiré des archives nationales J'ai l'honneur de vous adresser la délibération de l'assemblée électorale du district d'Oloron. Veuillez, Monsieur le président, présenter cet acte à vos dignes coopérateurs les législateurs immortels de V Empire français, en démonstration du zèle et du dévouement que le district d'Oloron porte à notre heureuse Cons- titution. Puissiez-vous y voir l'observation littérale, quoique informe^ de décrets d'autant plus sages qu'ils ont pour base la liberté, le plus précieux apanage du chef-d'œuvre de la Déité. » Cet échantillon suffit pour donner un avant-goût du style des orateurs clubistes. CLUBS RHVOLUriOWAIRES. 393 En Béarn, comme partout, les salons se fermèrent, les clubs s'ouvrirent. C'étaient les salons du peuple. Les plaisirs, la galanterie, les doux propos firent place aux discours farouches que la permanence de la guillo- tine rendait plus sombres. La tragédie remplaçait l'idylle au château, et Florian, si longtemps à la mode, périssait sous le couperet du bourreau. Je voudrais faire revivre avec sa physionomie vraie un club de Pau. J'espère y parvenir en donnant l'ana- lyse exacte d'un document inexploré des archives des Basses-Pyrénées, intitulé Registre des délibérations de la société populaire et montagnarde de Pau, commencé le i8 germinal, an II. Le fondateur de ce club n'était autre que le sangui- naire Monestier. En ouvrant ce registre où, à côté de la signature de Monestier se trouve celle de plusieurs Béarnais, j'ai craint de rencontrer quelques taches de sang sur les noms aujourd'hui les plus honorés. Si j'ai bien su lire à travers la féroce phraséologie du temps, les Béar- nais avaient plus de peur du proconsul révolution- naire qu'il n'avaient de sympathie pour lui. Parlait- il ? On l'applaudissait, car on n'aurait pas osé lui ré- sister en tace ; mais il est facile de voir qu'on cher- chait des moyens détournés de lui dérober quelque victime. On ne s'oppose point, c'est vrai ! aux me- sures de sang qu'il propose, mais on cherche ;\ les rendre illusoires; on admet la règle, mais on l'étoutlc sous les exceptions. Ouvrons le registre. Monestier préside. De sa bouche 394 LA SOCIETE ET LES MŒURS EN BEARN. ne sortent que des menaces terribles. Sans cesse, il parle du glaive de la loi qui doit frapper les coupables. Et l'on sait quelle extension il donnait à ce dernier mot. Monestier est trop habile pour ne pas voir que, si son auditoire frémit, il n'est pas charmé. Pour plaire là ceux qui r écoutent, il organise une ït\.Q avec déjeunes citoyennes vêtues de blanc et une musique bruyante. La séance était ouverte au chant de L'hymne de la Liberté ; on la terminait par des chants patriotiques, et l'on se retirait en dansant de joyeuses farandoles au sinistre chant du Ça ira. Les buveurs de sang avaient toujours le mot d'hu- manité sur les lèvres, sans que leur cœur eût aucun sen- timent de pitié; ils parlaient toujours de liberté en organisant la terreur. La monarchie absolue était tem- pérée par les chansons ; la République supprima les chansons. Lombez, de Pau, fut accusé d'avoir copié quelques couplets contre- révolutionnaires . Monestier décida que ce crime, plus ou moins prouvé, méritait la mort. Lombez monta sur l'échafaud. Cette exécution cruelle d'un pauvre artisan, soutien d'une nombreuse famille, produisit une sensation si pénible que le vertueux Mones- tier_, — cette épithète lui était donnée dans les actes publics, — crut devoir en parler au club révolution- naire. Le proconsul monte à la tribune. Il fait un tableau touchant de la famille de la victime le frère de Lombez est un bon citoyen ; le défunt laisse huit ou dix enfants sans ressource ; la mère est souffrante et dans les angoisses CLUBS RKVOLUriONNAIRKS. 39 de la détresse. Soyons, dit-il, leur pcrc, leur appui, cherchons leur des secours efficaces et montrons en même temps que les lois ne sont pas violées en vain, et que le mérite est honoré sans être flétri par le vice d'autrui quelconque. » — Après ce pathos d'étrange sensibilité envers ceux que sa cruauté venait de rendre des orphelins, il prend l'initiative d'une mesure adop- tée ;\ l'unanimité quatre commissaires sont délégués pour porter à la flimille désolée les consolalions de la bienfaisance et les embrassements de l'amitié. Séance du 2 floréal. Ainsi le proconsul altéré de sang versait des larmes de crocodile. Et quelle bizarre consolation pour ceux qui allaient mourir, de songer que le meur- trier plaindrait les veuves et les orphelins et leur en- verrait les embrassements de Va mi tic ! Dès les premières séances du club, on flt la proposi- tion de prendre des mesures contre les reclus et les sus- pects. Pour plaire à Monestier, on ne les ménagea pas liùs citoyens flétris par les mandats de réclusion. On les attaquait terriblement, d'une manière générale Ils sont, disait-on, durs par caractère j malfaisants par prin- cipes, méchants et cruels par état et par préjugés. . . ils sont trop encroûtés pour ne pas tout entraver ». Mais, parmi CCS reclus, dépaysés dans les prisons éloi- gnées, se trouvaient des magistrats, des avocats, des amis dont on avait reçu des services, et ceux qui les maudissaient tous en bloc les auraient volontiers tous sauvés un par un. La question des suspects était souvent posée. Un orateur les divisait en trois classes les traîtres à la 396 LA SOCIÉTÉ ET LES MŒURS EN BÉARN. patrie, et il réclama contre eux la mort ; ceux qui, loin de rajfermir la liberté, ont la lâcheté de ne pas concourir à sa conquête; et il réclama contre ceux-là la déportation ; il réclame enfin la surveillance contre les faibles qui, égarés par la perfidie, nont pas été méchants. Il était facile de tout faire entrer dans la dernière ca- tégorie qu'on pouvait, en pratique, rendre très élas- tique. Le comité de surveillance annonçait à la société qu'il allait prendre des mesures pour ramener les esprits hypo- crites et si, contre toute attente, ils ne réussissaient pas, ils emploiront tous les moyens que la loi met à leur disposition ». Comment ne pas réussir avec un argument aussi persuasif que la guillotine ? Après quelques tirades trop vives, inspirées par la terreur de Monestier, un Béarnais hasarde une proposition Pour radoucir les esprits, dit-il, pour calmer les âmes fiêres et généreuses, il faut chanter des airs patriotiques et aller danser le soir à la salle du théâtre ». La proposition est acceptée sans contradiction. Les déclamations contre le despotisme qui avait inventé V antre de la Bastille n'eurent pas grands succès. Les diatribes furibondes contre le fanatisme et les prêtres plaisaient davantage à Monestier. Le registre ne nomme pas les orateurs, mais quel langage ! Si le style c'est Thomme, c'étaient des hommes qui ne va- laient pas grand'chose. Voici comme s'exprime le procès-verbal Un orateur dévoile les vieux secrets des prêtres qui par principes canoniques greuchaient sic les CLLBS riOXNAIM-S. 397 hommes et mettaient en parade les femmes au son de leurs flageolets magiques ». Séance du 26 messidor an III. Lorsque Monestier présidait, il était souvent obligé de tonner contre l'apathie, le vice qu'il regardait comme l'une des causes des malheurs publics. Mais, lorsque les Béarnais étaient débarrassés de sa présence, les orateurs qui criaient encore contre la fanatisme n'avaient pas beau jeu. Tantôt on leur répondait par un poème sur l'Être Suprême qui n'était pas encore détrôné et tan- tôt par des murmures. Un orateur, dit le procès-ver- bal, se plaint que, pendant l'instruction sur le fanatisme, divers jeunes gens se sont introduits dans les galeries, dans d'autres vues que celle de l'écouter et que les mus- cadins trouvaient mauvais qu'on ra'ienne sur ces matières. Un orateur répond qu'il est temps de cesser les discours sur ce sujet, qu'il ne faut plus s'occuper du fiuiatisme sacerdotal, mais uniquement du fanatisme de la li- berté. Ces paroles sont vivement applaudies. Une autre fois, un orateur remarque avec regret que les' patriotes ne sont plus assidus aux séances. Il pa- raît, dit-il, que ce n est pas aujourd'hui la fête de la ci-de- vant Notre-Dame, car les galeries sont désertes. » Ces gale- ries de l'église Saint-Martin où s'assemblait le club, étaient naguère combles, lorsqu'on célébrait la fête de l'Assomption. On fut bientôt las des diatribes contre tout ce qui était vénérable ; le tempérament béarnais ne pouvait se fixire aux surexcitations violentes. Plus l'orateur s'en- llammait, plus l'auditoire restait froid. Les procès-ver- baux constatent souvent le bruit qui se lait au tond de 398 L'^^ SOCIÉTÉ ET LES MŒURS E\ BÉARN. la salle, les plaintes de l'orateur non écouté qui re- proche aux censeurs Vindulgence qui retarde le calme dans lequel seul la voix majestueuse de la vérité se fait en- tendre. La liberté du désordre était difficile à comprimer. On proposa de prendre des mesures sévères et de veiller à ce que la lumière du vestibule fût toujours allumée. Quand les violentes déclamations qui blessaient la conscience et réclamaient du sang cessèrent après le départ de Monestier, les séances devinrent plus calmes. On y fliisait la lecture des journaux ; on applaudissait j avec patriotisme aux victoires de nos armées ; on dis- f cutait des questions d'intérêt local ; on finissait la séance par la musique guerrière et sentimentale dirigée par le citoyen Furtz^. Ce Furtz était un brave homme; sa fille, M""^ Colalto, fiit, sous la Restauration, organiste de Saint-Martin et maîtresse de piano. La lecture des journaux charmait toute l'assemblée. Un orateur fiit fort applaudi en disant quil ny avait pas de meilleur moyen que les journaux pour dissiper les ombres de Vignorance. Rome, s'écria-t-il, n'aurait jamais péri, d'après un grand homme révolutionnaire, si elle eût eu des journaux et des sociétés populaires. » Il proposa, en conséquence, de fonder un journal dans les Basses-Pyrénées. Parmi les projets d'intérêt local présentés à la société montagnarde, on n'en trouve guère qui aient abouti. En face de la place Royale, lorsque la révolution éclata, se construisait l'église Saint-Louis; l'édifice restait inachevée et ressemblait à des ruines. Un ora- CLUBS KHVOLUTIONNAIRES. 399 tcur proposa d'en faire un temple dédié à l'Être Suprême mœurs béarnaises ont-elles perdu \ hi Révolu- tion qui brisa brusquement les traditions du passé ? Le parallèle serait curieux à établir entre les mœurs l'affinées de l'ancien régime et les mœurs nouvelles violemment introduites par la Terreur. Le vertueux Monestier avait uncvertit dans une signi- fication que ce mot ne comporte guère au cynisme des paroles^ il joignait le cynisme des actes. Il imitait les Romains qui, après l'orgie, aimaient à arroser de liba- tions de vin et du sang des gladiateurs la table des fes- tins il était cruel siu'tout quand il était ivre, et il l'était très souvent. Longtemps sa cruauté resta légendaire. ToutesMes horreurs qu'il commit ne sont pas écrites ; la mémoire populaire a gardé les détails de beaucoup d'inédites. 422 LA SOCIETE ET LES MŒURS EN BÉARN. Voici ce que, bien des fois, j'ai entendu raconter par mon père Un brave gentilhomme de Vic-Bigorre, M. de la Salle, avait été trouvé caché dans un champ de blé. On le conduisit devant Monestier, qui achevait de souper; celui-ci donna l'ordre de fusiller immédiatement le fugitif et l'exécution eut lieu aux flambeaux. Le lendemain matin, les vapeurs de l'ivresse s'étant dissipées, Monestier n'avait qu'une idée confuse de la scène de la veille, et il se mit à dire en riant . Il faut convenir que ce pauvre la Salle a eu hier soir une fu- rieuse peur ; eh bien ! il en sera quitte pour la peur. Qu'on le mette en liberté ! — Mais, lui répHqua-t-on, par ton ordre il a été exécuté. — Il répliqua Puisque c'est fait_, autant vaut. » , La pudeur publique n'était pas mieux respectée que la vie humaine. Le vice se transformait en déesse. Ce n'est point par la décence du costume, ni par la pureté de la vie que brillait la jolie fille qui représentait la déesse de la Rai- son. La relation du temps^ racontant la promenade de cette Raison portée sur le pavois civique, dit que ses yeux étaient des sources où chaque orateur puisait des idées révolutionnaires qui embrasaient les cœurs. On a sou- vent parlé des sources de larmes, et comparé les beaux yeux à des astres Astres dont nul soleil ne peut flétrir la flamme, mais les comparer à des sources qui allument le feu au lieu de l'éteindre, c'était du style nouveau. MŒURS BÛARNAISES SOUS LA 423 Dans les clubs et les grandes assemblées populaires où se trouvaient des femmes, on ne manquait pas de voter le baiser fraternel. En théorie, le vote était accueilli avec enthousiasme; mais, dans la pratique, il surgis- sait des difficultés; certains pères, certains maris sus- ceptibles se plaignaient de façons trop sans-culottidcs avec lesquelles on embrassait leurs filles et leurs femmes. Des gens délicats ne cachaient pas leur répugnance pour certaines accolades trop fraternelles. Et Monestier devait se dire que les Béarnais étaient plus terrorisés que partisans de la Terreur. Voici comment il s'expri- mait dans une proclamation adressée aux citoyens du district et communauté de Pau, le 14 messidor an II Si je n'avais eu à franchir que les menées des aristo- crates, ce n'eût pas été là un obstacle qui m'aurait K soumis à l'étude et aux méditations les plus réfléchies, • mcler à cet incident la politique qui n'y avait que faire. Parmi les avocats qui plaidèrent, je me souviens de Dulaut, l'ancien ami de Robespierre, et de Moc- quard, le futur ami de Napoléon III. Dulaut était bon époux ; sa femme était parfaite, elle avait sauvé beaucoup de victimes; sa plus grande ambition était de sauver l'âme de son mari. Ses efforts pour réveiller dans la conscience du vieux Béarnais une étincelle de foi furent longs, persévérants et, enfin, couronnés de succès. Elle l'envoya un jour auprès d'un ancien révolutionnaire qui écartait le prêtre de son lit de mort Ami^ lui dit Dulaut, si je me mettais en //r modérer réUvation des prix des subsistances. L'esprit de conciliation et de réconci- liation vivait encore dans la petite cité d'Henri IV. En relisant le Mémorial de 18 17, je trouve ces vers qui peignent bien les idées en circulation à Pau Ne vous contentez pas de les avoir soumis, Sire, défaites-vous de tous vos ennemis. Disait au Béarnais un homme sanguinaire. Tu vois, lui répondit ce prince débonnaire Qjiie je défère à ton avis Car de ses ennemis n'est-ce pas se défaire Que de s'en faire des amis ! FÊTES PUBLia'HS. 47 C'est à Louis-Philippe que Ton doit la restauration du château d'Henri IV. Meublé d'une manière splcn- dide, on y donna plusieurs fêtes. Le duc d'Orléans, le plus populaire des princes, et la duchesse d'Orléans y séjournèrent au retour d'Afrique où le duc avait si bril- lamment montré qu'il était du sang de Henri I\'. Le duc de Nemours et le duc de Montpensicr se reposèrent plusieurs fois à Pau, en se rendant aux eaux des Pyré- nées. C'est alors que furent ouvertes les rues Mont- pcnsier, d'Orléans et d'autres encore. Des fêtes données par les princes ou en leur hon- neur, je ne citerai qu'une seule. Jamais peut-être, depuis Marguerite de Valois, le château n'avait vu d'aussi magnifiques réjouissances. LoLiis-Philii-jpe avait fait don à la ville de Pau de la statue en marbre blanc d'Henri IV^, œuvre de Raggi avec les bas-reliefs d'Ltex, qui décore aujour- d'hui la place Royale. Le dimanche 27 août Tinauguration de la sta- tue fut célébrée avec une royale magnificence. Les fêtes durèrent trois jours. Le duc de Montpensier les présidait, en costume de capitaine d'artillerie. Le cortège était splcndide quand il se rendit à la place Royale pour la cérémonie de l'inauguration. La cour royale en robes rouges, tous les fonctionnaires du département en grand costume, une foule de géné- raux et d'olliciers venus de tous les pa\s escortaient le jeune prince. Des nuiltiiudes de izuirlandes et de fleurs décorjient 458 LA SOCIÉTÉ liT LES MŒURS EN BÉARN. la place entière; six cents dames rivalisant d'élégance occupaient des places réservées. Dès l'arrivée du cortège des chœurs exécutaient à grand orchestre la cantate suivante du poète béarnais Liadières Jour d'orgueil et d'ivresse Un monarque chéri Revient aux bords heureux qu'habitait sa jeunesse, Le voilà, c'est Henri, C'est le grand, c'est le bon Henri. Henri, reconnais-tu ta cité souveraine, Les pics qu'elle regarde, et ton château natal, Et ce Gave azuré qui, sillonnant la plaine, Baigne en passant ton parc royal ? Le temps peut imprimer sa trace irréparable Sur le granit des monts comme au front des palais, Mais ce qui reste inaltérable C'est le cœur de tes Béarnais. Jour d'orgueil, etc.. Durant ta longue absence un immense naufrage Engloutit les débris des trônes et des lois. Et la sourde rumeur qui succède à l'orage Loin de nous gronde quelquefois. Mais, Henri, ton génie, en planant sur nos villes, Y confond les partis dans un même faisceau. Le souffle des haines civiles Expire au pied de ton berceau. Henri, sois fier de nous ! Si plus d'une victoire A signalé les fils de tes preux triomphants. Le siècle où tu reviens réservait plus de gloire Aux petits-fils de leurs enfants. 1-HTES PUIiLIQLiS. 459 Sous le drapeau d'Arcole, en ces courses lointaines, Ils furent conquérants et justes à la fois. La l'rance en fit des capitaines, Ht le Nord en a fait des rois. Depuis longtemps, Henri, dans une douce extase, Nos champs et nos cités attendaient ton retour, Des créneaux de Moncade au donjon de Coarraze Nos coteaux frémissaient d'amour. Le vieux château d'Albret, lavé de ses souillures, Et dont l'herbe cent ans déshonora le seuil, Sous les pompes de ses dorures Souriait pour te faire accueil. QjLii te rend à nos vœux? Qiii relève le faîte Du manoir paternel où tu reviens en roi ? C'est ton fils, comme toi battu de la tempête. Il sut pardonner comme toi. Henri de notre siècle est digne de sa race. Il préfère pour nous, sans craindre les combats, Au bruit de la gloire qui passe La liberté qui ne meurt pas. Des enfiints du Béarn accourus pour l'entendre, Reconnais-tu celui qui marche au premier rang? Nos cœurs, en le voyant, ne peuvent s'y méprendre, C'est ton image, c'est ton sang. C'est ta jeunesse, Henri, laborieuse et forte Et les nobles travaux dont Vincenne a fait foi Plus que le nom roval qu'il porte Prouvent qu'il est issu de toi. Salut, salut, Henri ! Devant ta face auguste. Inclinons, Béarnais, nos fronts reconnaissants Aux pieds d'un roi clément, aux autels d'un roi juste On ne peut brûler trop d'
Ledos large est légèrement incliné vers l'arrière. Sa queue est longue et ses jambes courtes de couleur rouge. Le plumage du bleu de Gascogne est uniquement d'un bleu soutenu
Pigeon ramier Photo prise à Mousterlin Fouesnant 29Taille 40 à 42 cmEnvergure 75 à 80 cmPoids 450 à 520 g Le pigeon ramier est un oiseau très grégaire notamment sur les lieux d'alimentation et les dortoirs mais cela en dehors de la période de reproduction. Des observations font état de rassemblements de plus de 100 000 individus, peut-être plus. Les dortoirs sur les sites d'hivernage rassemblent bien souvent plusieurs milliers d' la reproduction qui se situe de Mars à Juillet, le ramier mène en effet une vie essentiellement familiale, partagée entre le couple et la progéniture, vie que l'on pourra donc opposer au reste de l'année ou elle vit en beaucoup d'animaux, ces regroupements qui créent un effet de masse assurent sa défense contre les ensemble que les ramiers se lèvent le matin pour aller chercher leur nourriture et s'abreuver, c'est ensemble qu'ils feront leur sieste, côte à côte perchés. Posted on Thursday, 17 April 2008 at 1046 PMEdited on Thursday, 17 April 2008 at 1059 PM
Originaired’Allemagne, l’Alouette de Cobourg a conquis de nombreux éleveurs français par sa rusticité et sa fécondité exceptionnelle. Ce pigeon adore la liberté : il est capable de trouver lui-même une grande partie de sa nourriture. Il faut donc le tenir en volière pendant la période de chasse, car sa grande ressemblance avec le ramier met ses jours en danger.
Madinina "Reine des Antilles"Published on Jan 17, 2012Auteur William Dufougeré / Ouvrage patrimonial de la bibliothèque numérique Manioc. Service commun de la documentation Université des Antilles et de... Bibliothèque numérique Manioc / SCD Université Antilles
4aQqmnJ. hda9y4lp4n.pages.dev/209hda9y4lp4n.pages.dev/261hda9y4lp4n.pages.dev/207hda9y4lp4n.pages.dev/198hda9y4lp4n.pages.dev/354hda9y4lp4n.pages.dev/190hda9y4lp4n.pages.dev/231hda9y4lp4n.pages.dev/326hda9y4lp4n.pages.dev/96
croisement pigeon ramier et bleu de gascogne